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MÉTAPHYSIQUE ET LOGIQUE D’ARISTOTE.

dant les autres ouvrages d’Aristote. Mais les logiciens ne se montrèrent pas reconnaissans ; ils travaillèrent à la ruine de la théologie. Il y a dans l’Enfer du Dante un passage admirablement propre à faire comprendre la terrible puissance de la logique au moyen-âge, car les grands poètes sont aussi de véridiques historiens. Au vingt-septième chant, Alighieri rencontre, subissant les flammes éternelles, Guido de Montefeltro, qui lui explique que son crime est d’avoir donné de coupables conseils au pape Boniface VIII, ce fléau des vrais chrétiens. Quand je mourus, dit Guido, saint François, dont j’avais embrassé la règle, vint me réclamer ; mais un des chérubins de l’enfer lui disputa mon ame, en lui prouvant, par un argument en forme, qu’elle devait lui appartenir ; il m’emporta en m’apostrophant de cette effroyable ironie :

« Tu non pensavi ch’io loico fossi ! »
« Tu ne pensais pas que je fusse logicien ! »

Il est donc vrai qu’au moyen-âge, la logique fut une arme diabolique, puisque le diable était logicien !

Au dessus de la logique s’élève la métaphysique, c’est-à-dire au-dessus du raisonnement la raison. C’est la science première de l’homme, du monde et de Dieu. Nous pensons que, dans cette haute sphère, les directions imprimées par Aristote seront utiles, tant à notre siècle qu’à ceux qui le suivront. Si Platon a concouru à la formation littéraire et philosophique du christianisme, Aristote sera pour quelque chose dans les tendances religieuses de l’avenir.

Puisque la science tend à transformer le monde, il est nécessaire que l’homme qui a le plus avant pénétré dans l’idée même de la science, dans lequel elle s’est le mieux incarnée, qui a été le plus puissant organe de l’autorité absolue de la pensée, qui a si bien compris la vie de l’homme et de Dieu, en disant que l’être n’est réellement que dans l’individu, et que l’individu n’est ce qu’il est qu’à la condition de l’unité ; il est nécessaire que cet homme n’ait pas encore épuisé son influence sur le genre humain.

L’ame d’Aristote anime l’Europe scientifique ; Paris et Berlin se la partagent pour la transformer et l’agrandir encore. C’est entre la France et l’Allemagne que s’agiteront les destinées philosophiques et religieuses de l’Occident.

La métaphysique et la religion sont deux manières de concevoir et d’exprimer les mêmes idées fondamentales, et Aristote a écrit