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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/681

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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

quaires prétendent que ce sont là les restes d’une galerie couverte qui s’étendait du couvent à la mer.

Notre pélerinage au couvent achevé, nous retournâmes à Threld en traversant une jolie plaine. Après les courses que nous avions faites les jours précédens, au milieu des collines stériles de l’île de Mull, nous ne pouvions nous lasser d’admirer la fécondité et la riche culture de cette partie de l’île sainte. Cette plaine nourrit la population d’Iona. Cette population, nombreuse pour le peu d’étendue de l’île, n’en exporte pas moins, chaque année, dans les îles voisines, des bestiaux et des grains.

La journée était avancée quand nous arrivâmes à Threld. Sir James nous avait fait préparer une splendide collation. La moitié d’un mouton bouilli, des poissons de diverses espèces, et d’excellentes pommes de terre de son jardin, en faisaient les frais. La nuit nous surprit comme nous étions encore à table faisant les dernières libations de wiskey et de vins d’Espagne ; nous la passâmes dans d’excellens lits dont la paille composait les matelas, les lits de plume et la couverture. Le lendemain, de grand matin, sir James nous éveilla en nous apprenant une bonne nouvelle. Un bateau du port de Tarbet dans l’île de Jura venait chercher à Iona le fils d’un fermier de Jura et sa macalive. Ce bateau était à l’ancre à deux portées de fusil de l’île dans le détroit qui la sépare de Mull, et il devait retourner à Tarbet dans la journée. Le patron proposait de nous prendre à bord comme passagers. Nous fîmes aussitôt nos conditions avec lui, et pendant que l’habitant de Jura embarquait sa macalive, nous déjeunâmes avec le reste du mouton de la veille, que sir James, véritable Anglais, accompagna de muffins, de groseilles noires et d’un nombre incalculable de tasses de thé. Tout en déjeunant, sir James nous racontait ce que c’était que cette macalive qui occupait toute l’île et qui nous intriguait quelque peu. Voici le résumé de ses explications. La macalive est une sorte de bail d’éducation, bail fort singulier du reste. Un laird, par exemple, envoie un de ses fils à un de ses tenanciers, souvent même à un ami ou parent éloigné, à la charge de le nourrir et de l’élever. À cet effet, en même temps que ce fils, il expédie, à l’homme qu’il a jugé digne de sa confiance, un certain nombre de vaches auxquelles le nourricier est tenu d’en joindre un nombre égal pour former un troupeau. Le laird, pour la pâture de ces bestiaux, cède à son tenancier une certaine étendue de terre, et pendant tout le temps que dure l’éducation de l’enfant, le nourricier et lui se partagent le produit des vaches. Si par hasard ce produit était insignifiant, qu’il fût par exemple d’un seul veau, il appartiendrait à l’enfant. Quand au bout de six ans le nourrisson quitte son père adoptif et retourne dans sa famille, il emmène avec lui toutes les vaches et la moitié des élèves ; ce troupeau est considéré comme sa dot et s’appelle la macalive. Ce bail, à la première vue, paraît moins productif qu’honorifique pour le nourricier, il lui est cependant fort avantageux. Supposons, en effet, que le nourricier ait fourni huit vaches et son pupille un même nombre ; le nourricier, en échange, a reçu sans