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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/684

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REVUE DES DEUX MONDES.

gradins des montagnes. Cette plaine qui, du nord au sud, occupe un espace d’une vingtaine de milles, est la seule partie de l’île qui soit cultivée. La partie montagneuse de Jura est remplie de troupeaux de chèvres, de bétail noir, et abonde en gibier de toute espèce ; mais les rocs dont l’île se compose sont coupés de tant de crevasses et de ravins, et sont si confusément entassés l’un sur l’autre, que la chasse y est très difficile. Le steamer qui devait nous ramener à Glasgow ne passait devant Tarbet que le lendemain : nous profitâmes donc du reste de la journée pour visiter l’île. Nous avions pour monture ces petits chevaux du pays qui courent comme les chèvres au milieu des rochers. Nous nous dirigeâmes d’abord vers le hameau de pêcheurs de Lagg, et puis nous nous aventurâmes au hasard dans la campagne. Sur la plupart des collines et des rocs du voisinage, nous voyions de ces petits enclos en pierres sèches appelés duns dans les Highlands, et nombre de châteaux ruinés ; ces châteaux, construits tous sur un même plan, n’étaient réellement que des habitations de guerre ; une fois les clans désarmés et la paix établie dans les îles de par la loi, ces habitations incommodes furent successivement désertées par les lairds, qui aujourd’hui logent tous sans exception dans de jolies maisons bien distribuées, qu’ils ont bâties dans la plaine au pied du rocher au haut duquel s’élevait le château. Bien des causes se réunissaient pour rendre ces châteaux inhabitables. Ils étaient suspendus en quelque sorte à de hautes pointes de rochers, au sommet de monts qu’il fallait péniblement gravir. Comme les matériaux ne pouvaient que difficilement se transporter à ces hauteurs, on les avait ménagés. La plupart de ces châteaux ne se composaient donc que d’une tour massive à laquelle étaient accolées une ou deux tours plus petites. La tour principale était divisée en trois étages au plus ; ses murs avaient dix pieds d’épaisseur à leur base et à peu près cinq pieds d’épaisseur vers le sommet. Des fenêtres étroites étaient percées dans ces lourdes murailles. Un escalier en colimaçon conduisait d’un étage à l’autre ; le haut de la tour était recouvert d’un toit en pierres en forme de toit de pigeonnier ; des créneaux et quelquefois, dans les constructions plus considérables, d’étroits mâchicoulis couronnaient ces tours ; ces mâchicoulis servaient à donner passage aux poutres ferrées, au plomb fondu ou à l’huile bouillante que la garnison jetait sur les assaillans au moment de l’assaut. Ils dominaient d’ordinaire la porte et les ponts-levis, car l’assaut se donnait toujours de ce côté, les fenêtres étant trop étroites pour donner passage au corps d’un homme, et les créneaux trop élevés pour que des échelles pussent y atteindre. L’escalier, construit en pierres, afin qu’on ne pût y mettre le feu, était placé dans l’un des coins de la grosse tour. La garnison occupait le dernier étage et le rez-de-chaussée de ces édifices. La famille du laird se tenait dans l’étage du milieu que défendait un double mur ; ces demeures étaient donc sombres, étroites, et on ne peut plus incommodes. Un grand puits, des caves creusées dans le rocher, et au fond de ces caves un cachot, telles étaient les dépendances de ces châteaux. Une trappe donnait entrée dans le cachot au fond duquel on