les supplices y ajoutent. L’Écosse, bouleversée par la réforme, avait déjà fortement réagi sur l’Angleterre ; et malgré ses complaisances, le parlement appartenait de cœur comme d’intérêt à une cause à laquelle était liée la fortune d’un si grand nombre de ses membres.
Lorsque la mort de sa sœur eut appelé Élisabeth au trône, cette princesse, dont les convictions en matière de foi étaient alors et restèrent toujours fort obscures, comprit, avec la puissance de son esprit pénétrant et ferme, que toutes les circonstances de sa vie liaient indissolublement sa fortune à celle du parti protestant. La fille d’Anne Boleyn, flétrie par Rome comme le fruit d’un adultère, n’avait-elle pas derrière elle la reine d’Écosse, espoir de ses sujets catholiques, nièce des Guise et princesse de France, qu’elle devait redouter, non pas seulement comme une héritière éventuelle dans l’avenir, mais comme une rivale menaçante dans le présent ? Élisabeth n’hésita point : placée entre des dangers également redoutables, elle choisit vite et poursuivit son œuvre avec une indomptable persévérance.
Les intérêts français, que Marie Stuart représentait par sa famille et son mariage, donnèrent à Élisabeth l’immense avantage d’une position toute nationale. Dans son règne d’un demi-siècle, elle sut exploiter avec une habileté soutenue ce principe insulaire qui fit sa force contre le parti catholique et contre l’étranger, alors étroitement associés par la fatalité des circonstances.
Ce règne fut grand parce qu’il fonda le véritable esprit de la politique anglaise, et qu’au milieu des intérêts confus encore de l’Europe, il assit le premier, sur ses bases modernes, la puissante nationalité britannique. Aussi la pensée dont il a été l’imposante expression a-t-elle couvert de sa populaire grandeur et les actes monstrueux, et les iniquités sanglantes, et le despotisme effrayant des doctrines, et la tyrannie plus effrayante encore d’un pouvoir sans limites mis au service de passions sans pitié.
Déclarée, par son parlement, chef suprême de l’église, Élisabeth concentra sur sa tête de jeune fille la plénitude de ce pouvoir spirituel qu’au nom de la raison et des Écritures la réforme déniait alors à la papauté. L’acte de 1558, étendu par l’acte d’uniformité, revêtit le souverain d’une haute suprématie ecclésiastique, indépendante et du concours du parlement et même de celui de la convocation[1].
Le roi put, de son chef, réprimer et définir les hérésies, établir
- ↑ On sait qu’on désigne ainsi l’assemblée de l’église anglicane.