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En vain l’archevêque Parker engagea-t-il contre Cartwright, le fondateur du puritanisme dogmatique en Angleterre, une polémique à laquelle Whitgift, son successeur dans la primauté de Cantorbéry, fit donner bientôt la sanction de dispositions pénales et de persécutions rigoureuses ; le nombre de dissidens s’étendait chaque jour, et l’ardeur de leurs convictions se révéla dans l’âpreté de leur langage. La partie la plus éclairée du conseil les ménageait, d’ailleurs, comme les seuls hommes capables, dans des chances peut-être prochaines, de défendre la royauté protestante en Angleterre.

Aussi les dissidens envahiront-ils la chambre des communes, qui vit s’élever tout à coup dans son sein une opposition d’un caractère tout nouveau. Malgré les menaces de la cour, malgré les ordres d’arrestation qui les surprirent plus d’une fois dans Westminster, les Wentworth, les Yelverton, les Strickland et plusieurs autres se prirent à parler un langage fier et hardi, et à énoncer des doctrines de résistance où l’on pouvait apercevoir le germe de celles qui bientôt briseraient un trône.

Quels qu’aient été les torts de ces hommes, seuls ils ont sauvé leur patrie de la servitude que ne pouvait manquer de lui préparer le vaste système politique dont l’église anglicane était la pierre fondamentale. L’esprit puritain émoussa graduellement l’aspérité de ses formes et le fanatisme de ses passions religieuses ; il prit au sein du parlement une couleur de plus en plus politique, et, en s’y combinant par la suite avec certaines nuances de l’esprit aristocratique, il contribua à former ces deux grands partis du whiggisme et du torysme, source féconde où s’est constamment rajeunie la vieille constitution britannique.

La nation, sevrée de gloire avec Élisabeth, dépensa dans des controverses ardentes une activité désormais sans aliment. Pendant vingt années, la doctrine de la prérogative parlementaire et celle de la prérogative royale se formulèrent d’une manière chaque jour plus distincte et plus tranchée, l’une s’appuyant sur l’énergie du sentiment religieux livré à lui-même, l’autre sur la puissance de la hiérarchie épiscopale. Esprit absolu et court, incapable de distraire l’opinion par une politique habile des profondes émotions auxquelles elle se laissait aller de plus en plus, Jacques Ier était un de ces hommes qui préparent des révolutions pour les générations qui les suivent, par l’audace de leurs prétentions, encore qu’ils y échappent pour leur propre compte par l’inconsistance de leur conduite.

Son fils recueillit cet héritage, amassé par l’imprudence paternelle et par la fatalité des temps. Il ne lui suffit pas, comme au pédant