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LA SICILE.

découvrent, dans les quatre directions qu’ils peuvent suivre, des points de vue d’un effet ravissant. Au-delà de la Porta Felice, c’est la mer qui vient rouler en lames étincelantes au pied de la Banchetta, ce large quai de pierre et de marbre qui la borde ; et entre les deux piliers de cette porte sans voûte que surmontent les aigles siciliennes, on voit passer les voiles blanches des barques de pêcheur, ou se balancer les mâts des rares navires qui stationnent sur la rade. En se retournant vers la Porta Nuova, on découvre les coupoles de la cathédrale, de la chapelle du roi Roger, et, sous un arc colossal, se dessine la naissance de Mezzo-Morreal, lieu si célèbre par les premiers massacres des vêpres siciliennes. Les figuiers d’Inde, les palmiers et les orangers de la colline, ferment et couronnent de ce côté le tableau. Les deux autres branches des rues, dont on est le centre, s’étendent entre deux rangées de palais, de couvens et d’églises, jusqu’à deux autres portes également remarquables, qui mènent, l’une au faubourg de l’Orète, l’autre à celui du Môle. Ici les charmantes plaines de l’Oliva et de l’Olivuzza, couvertes de bosquets de nopals et de citronniers, avec leurs délicieuses villas ; là, le long du fleuve Orète, la plaine de Saint-Érasme, des campagnes fertiles chargées d’amandiers et de figuiers, et terminées par de hautes, sombres et capricieuses montagnes.

De cette place Villena, qu’on nomme aussi quattro Cantoni, vous voyez, comme à vol d’oiseau, les quatre quartiers de Palerme, vieilles divisions sarrasines, comme le disent leurs noms : la Kalsa, Siralcadi, la Loggia et l’Albergaria. Les écussons des quatre quartiers les indiquent déjà de cette place. La Loggia porte l’aigle d’Autriche, une rose figure sur celui de la Kalsa, et les deux autres ont pour armes un serpent vert sur un champ d’or, et un Hercule étouffant un lion. Les deux autres quartiers, l’Orète et le Môle, ne sont que des faubourgs.

Ces quatre quartiers, jetés dans les quatre angles droits que forme la croix dont vous êtes le centre, sont autant de labyrinthes de petites rues étroites qui rappellent Alger. Là sont entassés les palais, les églises de marbre et d’or, les pauvres maisons et les couvens de toute espèce. C’est là qu’on trouve l’ombre, le mystère, le silence, toutes choses qui se rencontrent toujours quelque part dans les villes italiennes. Voulez-vous pénétrer d’un coup d’œil dans ces quatre dédales tracés de la main savante et compliquée des Arabes, ces vieux maîtres de Palerme ? portez vos regards à l’extrémité du Cassaro, vers la mer ; à droite de la porte Felice est une vaste place irrégulière,