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REVUE LITTÉRAIRE.

En donnant ses Traditions populaires de Franche-Comté, poésies suivies de notes[1], M. Auguste Demesmay a voulu animer et rajeunir sous forme d’art un ouvrage qui aurait pu être de pure érudition. Il a voulu concilier et marier le sentiment poétique qu’il possède avec celui des souvenirs légendaires qu’il a recueillis. Il y a réussi. Et d’abord, pour les esprits sévères qui aiment avec raison qu’en recueillant même les songes et les fantaisies de l’imagination dans le passé, on soit fidèle à la lettre et qu’on transmette scrupuleusement les vestiges, l’ouvrage de M. Demesmay a ses notes aussi considérables que le texte et qui forment une moitié du volume. Les témoignages des historiens, des poètes, n’y font pas faute ; les chants si gracieusement gothiques à la Vierge, que le révérend père Chrysostôme Colin, gardien des capucins de Pontarlier, allait chantant dans ses tournées évangéliques, et qui lui étaient arrivés quasi du XIIIe siècle en droite ligne, au bon père, sont enregistrées avec soin. Les ballades sur les aventures merveilleuses des sires de Joux y sont produites dans leur naïveté même. Veut-on savoir ce qu’étaient autrefois, au dire populaire, ces colossales statues de rochers, dressées par la puissante main de la nature, et auxquelles le montagnard du Jura a donné le nom de Dames d’Entreporte ? La ballade, à peine altérée en passant de bouche en bouche, le raconte au long :

Ors, écoutez naïve histoire,
Histoire des jours d’autrefois
Quand chevaliers aimaient la gloire,
Dieu, les dames et les tournois.
Au fond d’un cloître l’ai trouvée
Par un vieux moine conservée
Dans un Missel, de lettres d’or
Tout brillant encor.

  1. Un bel in-8o avec vignettes, chez Eugène Renduel, rue Christine, 3.