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cette comparasion, il reconnut tout d’abord l’infériorité du judaïsme. Il se dit qu’une religion faite pour un seul peuple, à l’exclusion de tous les autres, qui ne donnait à l’intelligence ni satisfaction dans le présent, ni certitude dans l’avenir, méconnaissait les nobles besoins d’amour qui sont dans le cœur de l’homme, et n’offrait pour règle de conduite qu’une justice barbare ; il se dit que cette religion ne pouvait être celle des belles âmes et des grands esprits, et que celui-là n’était pas le Dieu de vérité qui ne dictait qu’au bruit du tonnerre ses changeantes volontés, et n’appelait à l’exécution de ses étroites pensées que les esclaves d’une terreur grossière. Toujours conséquent avec lui-même, Saumel, qui avait dit selon sa pensée, fit ensuite selon son dire, et, un an après son arrivée en Allemagne, il abjura solennellement le judaïsme pour entrer dans le sein de l’église réformée. Comme il ne savait pas faire les choses à moitié, il voulut, autant qu’il était en lui, dépouiller le vieil homme et se faire une vie toute nouvelle ; c’est alors qu’il changea son nom de Samuel pour celui de Pierre. Quelque temps se passa, pendant lequel il s’affermit et s’instruisit davantage dans sa nouvelle religion. Bientôt il en arriva au point de chercher pour elle des objections à réfuter, et des adversaires à combattre. Comme il était audacieux et entreprenant, il s’adressa d’abord aux plus rudes. Bossuet fut le premier auteur catholique qu’il se mit à lire. Ce fut avec une sorte de dédain qu’il le commença : croyant que dans la foi qu’il venait d’embrasser résidait la vérité pure, il méprisait toutes les attaques que l’on pouvait tenter contre elle, et riait un peu d’avance des argumens irrésistibles de l’aigle de Meaux. Mais son ironique méfiance fit bientôt place à l’étonnement, et ensuite à l’admiration. Quand il vit avec quelle logique puissante et quelle poésie grandiose le prélat français défendait l’église de Rome, il se dit que la cause plaidée par un pareil avocat en devenait au moins respectable ; et, par une transition naturelle, il arriva à penser que les grands esprits ne pouvaient se dévouer qu’à de grandes choses. Alors il étudia le catholicisme avec la même ardeur et la même impartialité qu’il avait fait pour le luthéranisme, se plaçant vis-à-vis de lui, non pas, comme font d’ordinaire les sectaires, au point de vue de la controverse et du dénigrement, mais à celui de la recherche et de la comparaison. Il alla en France s’éclairer auprès des docteurs sur la religion mère, comme il avait fait en Allemagne pour la réformée. Il vit le grand Arnauld, et le second Grégoire de Nazianze, Fénelon, et ce même Bossuet. Guidé par ces maîtres, dont la vertu lui faisait aimer l’intelligence, il pénétra rapidement au fond des