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LITTÉRAIRE.

Le public demande de la critique, et il a raison, puisqu’il n’y en a plus guère. Mais il ne sait pas combien ce qu’il demande est difficile, et, osons le dire, impossible presque aujourd’hui, pour une multitude de causes qui tiennent à l’état même de la société et à la constitution de la littérature. Depuis huit ans, c’est-à-dire depuis la révolution de juillet, les écoles littéraires se sont trouvées dissoutes comme les partis politiques, et il ne s’en est pas refait d’autres. Des individus remarquables, des talens nouveaux se sont produits, mais sans appartenir à aucun groupe existant, sans représenter aucune opinion, aucune doctrine fixe et saisissable. Les talens plus anciens, et des plus éminens, qui appartenaient à des groupes et à des doctrines considérables sous la restauration, se sont trouvés tout d’un coup sans protection et comme jetés hors de leur cadre : ils n’ont plus su se tenir, et en voulant continuer à se déployer, ils sont vite arrivés à n’être plus eux-mêmes. Ceux qu’on croyait des chênes, tant qu’il y avait dans la société des murs de clôture qui semblaient les gêner, n’ont plus été en plein vent que des arbres bientôt pliés et brisés. Ainsi M. de La Mennais, qui, lorsqu’il était encore à la Chesnaye, voulait prendre pour cachet un chêne brisé par le tonnerre, avec cette devise : Je romps et ne plie pas, a vu réaliser son défi ; et cette haute, cette noble nature peut méditer aujourd’hui autour de son chêne en éclats. Il s’est passé, chez M. de Lamartine, depuis peu d’années, une révolution intérieure, semblable et analogue à celle qui a eu lieu dans M. de La Mennais : c’en est l’exact pendant si l’on