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REVUE LITTÉRAIRE.

aux Arabes, ils ont conservé la science des Grecs et des Hindous ; s’ils se sont laissé entraîner par leur imagination aux sciences occultes, il faut remarquer que l’alchimie a précédé la chimie, et que la propriété admirable des nombres nous a peut-être valu l’algèbre.

Ici se termine la vaste introduction de M. Libri. Après toutes ces révolutions, dit-il, après tant de barbarie, on retrouve encore l’Italie. On la verra désormais placée à l’avant-garde de la civilisation, diriger, pendant plusieurs siècles, la marche intellectuelle de l’Europe. Nous pourrions suivre plus loin M. Libri ; mais nous aimons mieux attendre les volumes suivans, pour entrer avec lui dans le sujet spécial de son livre : l’histoire des mathématiques en Italie depuis la renaissance des lettres jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Cet ouvrage, écrit d’un style vif, qui ne se ressent que fort rarement de l’origine étrangère de l’auteur, nourri de recherches et de vraie science, est d’une fort attachante lecture ; on prend à suivre l’histoire de ces révolutions scientifiques, de ces grands génies tour à tour persécutés ou triomphans, le même intérêt que l’auteur prend lui-même à la raconter.


Sans donner une idée complète du développement des lettres depuis quelques mois, ce bulletin suffit cependant à constater les différentes tendances de la littérature de ces derniers temps. Pour apprécier dans son ensemble la valeur de ces publications fort diverses, il faut y rattacher les livres importans auxquels la Revue a déjà consacré un examen spécial, comme le Tableau de la Littérature au dix-huitième siècle de M. Villemain, et l’Essai sur la Métaphysique d’Aristote de M. Ravaisson, et ceux dont elle n’a pas encore parlé, comme les Journaux romains de M. Victor Le Clerc et les Origines du Théâtre moderne de M. Magnin. Ces ouvrages, remarquables à tant de titres, montrent, ainsi que les écrits moindres que nous avons examinés dans ce bulletin, combien depuis quelque temps les travaux sérieux et surtout les livres d’histoire et de philosophie prédominent sur les autres parties de la littérature. On est frappé de ce résultat quand on parcourt avec quelque attention le Journal de la Librairie, publié chaque semaine à Paris. La poésie y figure à peine çà et là dans les tentatives volontiers malheureuses de quelques disciples des Orientales et des Méditations ; quand les maîtres y prennent place, ils ne s’y montrent guère en progrès, et il y a presque aussi loin des Feuilles d’Automne aux Voix intérieures que de Jocelyn à la Chute d’un Ange. D’un autre côté, la littérature romanesque, qui s’est tristement réfugiée dans le feuilleton, comme en un dernier asile, n’apparaît guère dans le Journal de la Librairie que pour des réimpressions de fragmens déjà disséminés dans les journaux quotidiens. Le public trouvera sans doute que les morceaux de M. Alfred de Musset et les romans de George Sand interrompent presque seuls et avec quelque succès le gaspillage bavard des écrivains d’imagination ; mais ce n’est pas à nous de le dire. Quoi qu’il en soit, les travaux graves ont