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REVUE. — CHRONIQUE.

le ministère à cause de la question d’Espagne, et compromettant de nouveau sa fortune politique en remontant à la brèche par un discours sur cette question, au début de la dernière session. Admirable discours qui a été suivi du vote de la majorité contre la question.

M. Thiers se présentera donc de nouveau avec cette opinion, à laquelle il a amené M. Guizot et ses amis, et en faveur de laquelle se sont ralliés à lui ses ennemis les propagandistes, qui espèrent voir sortir de l’Espagne, à l’aide de nos armées, toutes les tempêtes que Casimir Périer, aidé de M. Thiers et de M. Guizot entre autres, avait renfermées dans une outre, assez crevassée, grâce à de nouveaux efforts.

Il en est de l’Espagne comme de la réforme électorale, comme de tout. Chacun espère en voir surgir la réalisation de ses espérances, même les légitimistes, qui se consoleraient d’une intervention dirigée contre don Carlos, en songeant aux embarras qui pourraient en résulter pour le gouvernement.

Déjà, en ce qui est de l’Espagne, nous verrions donc se former un ministère où M. Guizot débuterait par une renonciation, sinon à une opinion, du moins à un parti bien pris et bien arrêté de n’en pas avoir une, et où le parti doctrinaire figurerait par ses individualités, abstraction faite de tous ses principes.

En effet, le parti doctrinaire n’a fait que marcher de concessions en concessions depuis sa séparation du pouvoir, si bien qu’on peut dire qu’il n’a rien gardé de lui-même, et qu’il s’est dépouillé de ses vêtemens pièce à pièce, depuis le 6 septembre.

L’amnistie, qu’il avait long-temps combattue, et qu’il avait refusée à toutes les demandes, lui a d’abord semblé dangereuse, puis trop restreinte. Les doctrinaires prophétisaient un sinistre avenir, les jours du roi étaient plus que jamais en danger, les ennemis de l’ordre social allaient abattre toutes les digues qu’on avait élevées contre eux. Bientôt, voyant le pays tranquille, les doctrinaires ont trouvé l’amnistie trop restreinte, et se sont mis à déclarer qu’ils l’eussent faite plus large. Dieu sait quand, il est vrai ! Maintenant ils font partie d’une coalition où la majorité demande l’abolition des lois de septembre !

Le parti doctrinaire n’est pas encore pour la réforme électorale et le suffrage universel ; mais il a déjà cédé tant de terrain dans la coalition, qu’on ne peut prévoir les modifications qu’il est encore destiné à subir, surtout si ses alliés lui lancent souvent des attaques telles que celle-ci : « Les ministériels repoussent la réforme, parce qu’elle déplaît à la cour ; les doctrinaires la repoussent, parce qu’il entre dans leur système, dans leur plan aristocratique, de dominer les élections, et par suite le pouvoir par la grande propriété. » Ces paroles sont extraites du Siècle du 26. Nous les citons pour répondre à un journal qui nie, en termes hautains, que personne dans l’opposition ait blâmé les doctrinaires de leur refus de coopérer à la réforme électorale. Le même journal, rédigé sous l’influence de M. Odilon Barrot, dit encore :