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REVUE. — CHRONIQUE.

pas à reprendre leur niveau naturel. Quand le suffrage universel ne sera pas réclamé dans les rangs où figurent les auteurs des lois de septembre, quand chacun marchera sous son drapeau, quand l’émeute ne se déguisera pas en garde national, quand chacun articulera nettement ce qu’il veut, ce qu’il espère, et surtout ce qu’il repousse et ce qu’il redoute, alors la guerre parlementaire sera possible. Jusque-là on ne fait qu’escarmoucher pour la guerre civile, et la majorité qui aurait le malheur de livrer le ministère aux partis dans l’irritation où ils sont, livrerait tout l’ordre social et toutes nos libertés à leurs ennemis les plus acharnés. L’ordre et la liberté périraient à la fois, malgré les efforts des chefs actuels de l’opposition, qui n’auraient qu’une alternative, celle de se faire ses serviteurs aveugles, ou de passer à ses yeux pour des transfuges. Et dans ce dernier cas, où trouveraient-ils la force qu’il leur faudrait pour résister à l’opposition, après l’avoir aidée à désarmer le pouvoir pièce à pièce ?

En fait de force et d’appui donnés au gouvernement, nous avons besoin de chercher l’explication de quelques lignes qu’on lisait, il y a deux jours, dans le Journal des Débats. Remarquant le bruit que fait l’opposition au sujet de quelques prétendues conversions politiques, le Journal des Débats déclare qu’il n’aime ni le bruit ni l’éclat dans les conversions. Ce qu’il aime dans les conversions politiques, dit-il, c’est une certaine gradation habile et étudiée. Selon lui, il y a une théorie pour les conversions, une règle à suivre, une discipline à observer, non moins dans les matières de la politique que dans celles de la religion, et il y a un grave inconvénient à s’en écarter.

Quant aux conversions religieuses qui se mêlent ici, très mal à propos, aux conversions politiques, nous ferons remarquer au Journal des Débats que saint Paul, et quelques hommes non moins illustres, qui ont eu justement de ces illuminations soudaines, n’eussent pas été admis à l’honneur de compter dans ses rangs. Mais pour s’en tenir aux conversions politiques, on devrait désirer que l’adresse fût inscrite sur cette lettre morale du Journal des Débats, qui se décide à l’écrire, dit-il, malgré son aversion pour toute question qui engage exclusivement les personnes, d’où il s’ensuit que des personnes sont engagées dans cet article. La suscription qui manque à cette épître eût amené une réponse qui n’eût pas été tardive, sans doute. Nous ne saurions croire qu’elle s’adresse collectivement à une autre feuille. Si c’était à nous, par exemple, nous ne pourrions que nous trouver très honorés de recevoir des leçons de conversion politique de la part d’un maître aussi expert et aussi consommé en pareille matière que l’est le Journal des Débats ; et assurément, quand nous voudrons connaître le secret des conversions habiles et graduelles, c’est là que nous irons nous instruire. Néanmoins nous laisserons ce secret dormir encore dans les cartons du Journal des Débats ; il nous est inutile. Partisans de l’homme honorable qui figure à la tête du cabinet, nous avons appelé l’attention publique sur ses qualités brillantes, sur sa connaissance parfaite des hommes et des affaires, pendant les trois années