Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/432

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
428
REVUE DES DEUX MONDES.

tionnel et représentatif ; car on ne pouvait songer, et ce n’était dans l’intention d’aucun parti, à maintenir la plus importante de ces colonies, le Bas-Canada, sous une administration facultative, sous un commandement à peu près dictatorial, quand les autres provinces ont leurs parlemens et jouissent, bien que sous certaines restrictions, des libertés et franchises constitutionnelles de la Grande-Bretagne. On ne pouvait pas non plus se contenter de remettre tout simplement en vigueur la constitution sous l’empire de laquelle était né le conflit actuel, sans que plusieurs dissolutions successives de la chambre d’assemblée, et des changemens fréquens de gouverneurs eussent empêché le dissentiment primitif de dégénérer en lutte ouverte. La partie essentielle de la mission de lord Durham consistait donc dans un examen profond de tous les élémens religieux et nationaux qui composent la situation politique du pays, afin de substituer à l’ancienne constitution, qu’il n’était pas possible de rétablir, un système nouveau de garanties publiques, système qui devait toujours aboutir, avec les modifications commandées par les circonstances, à la satisfaction du premier besoin de notre temps, la discussion régulière des intérêts généraux entre le souverain et les sujets, au moyen d’une représentation nationale élective. La solution du problème confié au libéralisme et à la sagacité de lord Durham embrassait deux données capitales qui répondent elles-mêmes aux deux causes dominantes des troubles du Canada : il s’agissait, en premier lieu, de dissimuler le plus possible au Canada tout entier, qu’avec tous les élémens d’une puissante indépendance, il n’était qu’une colonie, membre subordonné d’un grand corps, dont il doit recevoir l’impulsion et suivre les mouvemens ; puis il fallait essayer de fondre la race française et catholique du Bas-Canada, dans l’unité d’une population coloniale, régie par les mêmes lois, fière du même nom, ralliée autour des mêmes intérêts. Je ne sais, monsieur, de ces deux parties du problème, laquelle est la plus facile, ou pour mieux dire, la moins difficile à résoudre ; mais je crois que vous reconnaîtrez ici l’exposition nette et précise du problème tout entier.

Lord Durham avait ses idées arrêtées sur le gouvernement futur des Canadas, lorsqu’il a solennellement annoncé son intention de déposer ses pouvoirs et de retourner en Angleterre. Il a déclaré lui-même aux délégués de toutes les colonies qu’il avait appelés à Québec pour s’entourer de leurs lumières, que déjà il avait mûri un projet d’organisation, susceptible, à ses yeux, de concilier les intérêts, de satisfaire les besoins respectifs de la métropole et de ses possessions coloniales, et de rattacher celles-ci plus solidement que jamais à l’empire de la Grande-Bretagne. On peut assurément, sans injustes préventions contre lord Durham, douter du parfait accomplissement de ce programme, même en avouant, comme je le fais, que l’attention la plus suivie de ma part ne m’a point encore donné la clé des projets de lord Durham. Tout au plus soupçonné-je qu’il s’agit peut-être de l’union des deux provinces (le Haut et le Bas-Canada), ce qui reproduirait un plan conçu