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chise électorale ; ils demandent aujourd’hui l’abrogation du serment qui protége l’intégrité de la constitution britannique. N’exigeront-ils pas plus tard qu’on les traite selon leur proportion numérique ? et cependant cette proportion n’est-elle pas plus que compensée par celle des lumières, au moins par celle des propriétés qui, pour les dix-huit vingtièmes, appartiennent en Irlande aux membres de l’église anglicane ? L’émancipation ne changera pas des sentimens profondément hostiles, et son unique résultat sera de donner à l’ennemi des armes nouvelles. Sans effet sur la tranquillité du présent, si cette mesure est isolée de ses conséquences, elle prépare pour l’avenir une révolution désastreuse dans tout le système de l’église et de l’état, et l’ennemi s’assure dès ce moment par elle ce qu’il obtiendrait à peine après sa victoire.

Il y avait sans doute fort à reprendre dans la trame de ces raisonnemens où, sous des dehors de modération, de profonds repoussemens s’enlaçaient à des distinctions sophistiques. Comment contester néanmoins leur conclusion suprême et dernière ?

L’émancipation seule ne devait produire, en effet, sur la situation de l’Irlande, aucune de ces modifications soudaines que les amis de la liberté religieuse se complaisaient à en attendre. Les maux de ce pays tenaient à des causes trop antiques et trop complexes pour être guéris par une mesure qui n’affectait, à tout prendre, que les intérêts de la partie la plus éclairée de la population catholique. Comment espérer voir le clergé de la religion des cinq sixièmes de cette contrée renoncer à un déplorable système d’excitation révolutionnaire, et rentrer dans l’esprit de son ministère de paix, aussi long-temps qu’en face de l’opulence d’une église usurpatrice de ses propres biens, il devrait prélever le pain de sa misère sur la misère non moins affreuse du peuple des campagnes, dont cette triste dépendance le contraignait à servir toutes les passions ? D’un autre côté l’état précaire de cette population elle-même ne pouvait changer aussi long-temps que l’agriculture serait la seule ressource de l’Irlande, et que la terre appartiendrait exclusivement à une classe d’hommes étrangers par le sang, par les croyances et les habitudes, à la race indigène des laboureurs. Tant que l’absentéisme maintiendrait le désastreux système des middlemen, locataires de vastes terres qu’ils dépècent pour les sous-louer en lambeaux ; tant que tous les maux inhérens à la grande propriété seraient associés à ceux inséparables de la plus petite culture, il n’y avait à attendre aucune amélioration sérieuse dans l’état de cette triste contrée.

D’une autre part, quelques efforts que fissent les partisans de