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DES THÉORIES ET DES AFFAIRES EN POLITIQUE.

l’étonnement de l’Europe, les soldats républicains devenus maréchaux de l’empire, et les conventionnels devenus conseillers d’état. Cependant, après un peu moins de quinze ans, la calèche de Louis XVIII remplace, aux yeux des Parisiens, Napoléon à cheval, et voilà les hommes de l’empire obligés de se mettre, au milieu des générations nouvelles, au régime des deux chambres et de la publicité. Enfin Charles X perd sa monarchie pendant une partie de whist, et le principe de 89 est mis sur le trône.

Que s’est-il passé dans les huit ans qui nous séparent de 1830 ? Deux mouvemens contraires ont voulu entraîner le pays tant en-deçà qu’au-delà du grand fait qui s’était accompli en juillet. Ils ont échoué. La France a montré la volonté ferme de se maintenir dans le cercle constitutionnel du gouvernement nouveau et d’y développer ses destinées et ses tendances. D’un autre côté, la guerre européenne qu’on attendait n’a pas éclaté. Il n’y a eu ni guerre révolutionnaire, ni guerre politique, et, contre toute vraisemblance, la paix a triomphé. Des conséquences naturelles découlaient de ces faits. Puisque le gouvernement nouveau, loin de succomber, s’affermissait au milieu d’une adhésion générale, d’autant plus puissante qu’elle provenait de la réflexion succédant à l’enthousiasme ; puisque des questions capitales recevaient une solution contraire à l’attente commune, il est clair que les partis devaient subir une décomposition irrésistible. Dans la première révolution, les gouvernemens se supplantaient les uns les autres avec une rapidité tragique ; dans la seconde, le gouvernement est resté debout, et les partis se sont dispersés.

À la fin de 1835, il y avait pour tous les esprits justes ce que nous appellerons des démonstrations acquises. La société avait prononcé ; elle avait dépouillé le tempérament révolutionnaire pour entrer dans une phase d’organisation et de développement constitutionnel. Qui pourra nier ce fait, et qui pourrait s’en étonner, comme si, depuis cinquante ans, c’était le premier exemple que donnait le pays de cette mobilité toute française ? Le changement était réel ; mais a-t-il été compris de tout le monde ? Il y a sans doute une époque de la vie où l’esprit a de la peine à suivre les évènemens à mesure qu’ils s’accomplissent, à les comprendre ; on reste en arrière ; on vit sur le passé qu’on croit encore actuel ; on prend d’anciens préjugés pour des opinions vivantes, et l’on vieillit dans une merveilleuse ignorance de la société qu’on croit cependant bien connaître et loyalement servir. Ces méprises sont sincères, elles peuvent être respectables, mais elles n’enchaînent pas les générations. Sera-t-on recevable à demander à