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DES THÉORIES ET DES AFFAIRES EN POLITIQUE.

de connaître les solutions nécessaires à toutes les difficultés qui la travaillent, si elle ne sait pas tout ce qu’il faut faire, elle sait du moins ce qu’il ne faut plus faire. Ainsi elle demande aux hommes qui veulent s’occuper de ses intérêts, de ne pas s’évertuer à jeter bas l’édifice qui est en possession du sol, dans la fausse espérance d’en élever un autre sur un plan et des proportions chimériques, mais de travailler sur ce qui est, et d’introduire avec un tact habile les changemens estimés nécessaires dans des institutions qui ont déjà subi quelque épreuve du temps. Voilà l’esprit politique et la tâche qu’il doit se proposer. Bien différent du fanatisme religieux ou de la fougue révolutionnaire, l’esprit politique n’est ni intolérant, ni dogmatique d’une manière intraitable ; il s’inspire du siècle ; il puise dans le public, ce livre toujours ouvert et toujours instructif, la connaissance des dispositions et des nécessités sociales ; il observe les flots de la vie humaine pour voir où ils se portent, s’ils montent, s’ils descendent ; afin de mieux connaître les sympathies et les tendances du pays, il se place au centre de la vraie majorité nationale ; c’est elle qu’il aspire à servir. L’esprit politique sait donc à la fois conserver et changer, améliorer et maintenir. Un ministre anglais, Huskisson, en caractérisait parfaitement les qualités et les devoirs, lorsqu’il disait dans la chambre des communes : « Quand je parle d’améliorations, j’entends ces changemens graduels, réfléchis, qui, dans une société de formation ancienne et compliquée, sont les préservatifs les plus assurés contre des innovations imprudentes et périlleuses ; à des changemens de ce genre, il est de notre devoir à tous de concourir de tout notre pouvoir. C’est en restant fidèles à ces principes, en y persévérant, que nous conserverons la haute position que nous occupons parmi les nations civilisées. Cette position, avec toute la gloire, toute l’influence dont elle est si justement environnée, comment l’avons-nous acquise, si ce n’est en marchant les premiers dans cette noble carrière d’honneur et d’utilité ? Nous sommes tenus d’y marcher encore, entraînés par le souvenir du passé, par un juste sentiment de notre grandeur présente et par celui des obligations que le présent et le passé nous imposent envers les générations qui doivent nous remplacer. » La politique ainsi comprise est un admirable emploi des facultés humaines ; elle rend justice au passé, pourvoit au présent, et prépare l’avenir : elle ne renverse pas, elle répare ; elle n’immole rien, et s’attache à tout guérir. Évidemment nous gravitons en France vers cette haute manière d’apprécier les choses, et nous