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ne viendront pas dérouler le secret des affaires dans quelque pamphlet, pour répondre à celui de M. Duvergier de Hauranne. Ils n’exhiberont pas les dépêches diplomatiques adressées directement et reçues directement par eux, pour prouver qu’ils dirigent en réalité les affaires ; ils ne soumettront pas aux partis leurs rapports avec les préfets et les administrations, avec les généraux, avec les chefs du corps judiciaire, pour échapper à une accusation banale, dirigée autrefois avec plus de force encore contre ceux-là même qui en usent pour leur propre compte aujourd’hui. L’accusation est commode, mais peu courageuse et peu loyale surtout, car on sait qu’elle restera sans réponse et sans réfutation. Il n’en est pas ainsi d’une accusation faite pour être vidée publiquement, comme l’accusation de servilité adressée à la chambre. On s’enveloppe, il est vrai, de quelques précautions, car on voit que le terrain est glissant et difficile. On dit bien sans détour à la royauté qu’elle usurpe ; mais, pour la chambre, on y met un peu plus de façon. Le gouvernement, dit-on, lui destine un rôle passif et insignifiant ; elle n’est pas encore au degré d’obéissance et de servilité où elle sera bientôt sans doute, si M. Duvergier de Hauranne et ses amis n’y mettent ordre ; mais cela ne manquera pas d’arriver prochainement. Et dans cette hypothèse, on voit déjà fondre tous les maux sur la patrie ! Une fois la chambre habituée à un rôle de nullité, qu’on ne dise pas qu’il serait aisé de ranimer sa vie éteinte. Les assemblées, pas plus que les hommes, ne changent si brusquement de nature, s’écrie M. Duvergier de Hauranne, et quand les ressorts d’une machine sont brisés ou détendus, ce n’est pas du jour au lendemain qu’on leur rend la force et l’élasticité. C’est donc un mouvement de force et d’élasticité que M. Duvergier demande à la chambre, ne fût-ce que pour entretenir la liberté et le jeu de ses membres. Le moindre mouvement suffirait, pourvu qu’il renversât le ministère, et M. Duvergier se contenterait de cette petite démonstration gymnastique. La chambre pourrait-elle refuser les conseils d’un si bon médecin ?

Nous reconnaissons tout ce qu’il y a de délicatesse dans le procédé de M. Duvergier de Hauranne envers le corps dont il fait partie, en insinuant seulement que la chambre sera prochainement servile et corrompue, si elle n’y prend garde. Ceci nous fait espérer que l’honorable député aura de meilleurs sentimens envers la royauté quand son parti, rentré aux affaires, prendra, dans le gouvernement, la large part qu’il convoite avec tant d’impatience. Nous tenant donc à la partie de sa pensée qu’il émet nettement, nous demanderons, non pas si la chambre des députés est réduite à la nullité, comme l’insinue, après tout, M. Duvergier de Hauranne, mais si le ministère actuel a jamais songé à diminuer sa légitime influence. A-t-on déjà oublié la dernière session ? Toutes les questions les plus importantes n’ont-elles pas été soumises au jugement de la chambre ? Sa part a-t-elle jamais été plus large dans les affaires ? Tous les documens qu’elle a demandés n’ont-ils pas été mis sous ses yeux ? A-t-on vu les crédits dépassés, comme ils l’ont été souvent à l’époque que regrettent les doctrinaires ? Le gouvernement a-t-il entravé le droit de proposition donné à la chambre par la Charte de 1830 ? La