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mun. » Ainsi, le ministère est l’ennemi commun ; l’ennemi commun, c’est tout uniment celui qui occupe la place que l’on convoite.

Peu importe si le gouvernement a vos vues ou s’il ne les a pas, si vous êtes d’avis, au fond de votre conscience, que ceux avec qui vous marchez sont des adversaires de l’ordre que vous voudriez établir plus puissamment encore ; il s’agit peu, du moins pour vous, si, en vous mettant avec eux contre le pouvoir, vous ouvrez une carrière aux idées que vous déclarez hautement être des idées de désordre et d’anarchie. Il vous suffit que vous ayez quelque chance d’arriver au pouvoir et d’abattre l’ennemi commun. Le reste n’est rien. Vous aurez montré l’exemple des attaques directes contre la royauté et contre le caractère personnel d’un souverain que vous avez tant de motifs de révérer et d’estimer ; vous aurez appris à l’opposition qui se fera contre vous, comment on vilipende le pouvoir et comment on le traîne dans la boue ; vous aurez flétri d’avance vos propres organes, en traitant insolemment de corruption et de bassesse l’esprit d’ordre et de conservation ; vous aurez ainsi porté les mains sur vous-mêmes, sur tout ce qui pourrait vous prêter quelque force, sur le trône d’où elle descend sur les ministres, sur la presse conservatrice d’où elle monte pour les défendre ; mais vous aurez abattu l’ennemi commun. En d’autres termes, vous aurez voté contre vos propres vues pour faire rentrer dans les rangs des citoyens, quelques jours plus tôt, et par des moyens que réprouvent à la fois la conscience et tous les principes que vous invoquez, des hommes occupés du bien du pays, et devant lesquels vous aurez à rougir, quand ils viendront vous demander si vous êtes, plus qu’ils ne l’étaient, des ministres dévoués au pays, exerçant le pouvoir avec indépendance.

M. Duvergier de Hauranne va-t-il nous répondre qu’il n’est pas ministre et qu’il ne veut pas l’être ? Nous le reconnaissons ; l’honorable député travaille pour ses amis. Il y a même quelque modestie dans son fait. Il ne se sent pas appelé à ce maniement officiel des affaires qui oblige un homme à écouter patiemment les réclamations de tous, à s’associer à tous les intérêts ; il sait lui-même que, dans cette répartition infinie des droits que le gouvernement représentatif a créés, le rôle d’un ministre est de concilier, d’apaiser à toute heure, de ne rien briser, de n’opposer la force et l’autorité qu’après avoir longuement et attentivement recherché si c’est le droit du pouvoir, et si le droit de personne ne se trouvera froissé. M. Duvergier de Hauranne n’ignore pas qu’il est impropre à tout cela. L’écrivain que nous combattons est tout simplement un esprit morose et tracassier ; qui n’est pas arrivé au ministère, parce que son mérite ne l’y a pas porté, mais qui a la passion des affaires, de l’administration, la passion du pouvoir surtout, quoiqu’il n’ait jamais eu, tout audacieux qu’il est, l’audace de le porter, craignant, sans doute avec raison, de plier dessous. Disons tout à M. Duvergier de Hauranne, qui parle avec si peu de circonspection, du caractère et de la personne des autres. Son activité est extrême, mais elle s’épuise en petites colères ; ses prétentions ne sont pas moins grandes que d’autres,