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POÈTES ET CRITIQUES LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

tanes, plus radoucies d’aspect, ne sont peut-être pas de qualité moins fine : le chantre plaintif du Collége d’Éton n’a rien de mieux que ces simples Stances à une jeune Anglaise.

Une affinité naturelle poussait Fontanes vers les poètes anglais : on doit regretter qu’il n’ait pas suivi plus loin cette veine. Il avait, bien plus nettement que Delille le sentiment champêtre et mélancolique, qui distingue la poésie des Gray, des Goldsmith, des Cowper : son imagination, où tout se terminait, en aurait tiré d’heureux points de vue, et aurait importé, au lieu du descriptif diffus d’alors, des scènes bien touchées et choisies. Mais il aurait fallu pour cela un plus vif mouvement d’innovation et de découverte, que ne s’en permettait Fontanes. Il côtoya la haie du cottage, mais il ne la franchit pas. L’anglomanie qui gagnait le détourna de ce qui, chez lui, n’eût jamais été que juste. De son premier voyage en Angleterre, il rapporta surtout l’aversion de l’opulence lourde, du faste sans délicatesse, de l’art à prix d’or, le dégoût des parcs anglais, de ces ruines factices, et de cet inculte arrangé qu’il a combattu dans son Verger. De l’école française en toutes choses, il ne haïssait pas dans le ménagement de la nature les allées de Le Nôtre et les directions de La Quintinie, comme, dans la récitation des vers, il voulait la mélopée de Racine. En se gardant de l’abondance brillante de Delille il négligea la libre fraîcheur des poètes anglais paysagistes, desquels il semblait tout voisin. Son descriptif, à lui, est plutôt né de l’Épître de Boileau à Antoine.

Son étude de Pope et son projet d’un poème sur la Nature le conduisirent aisément à son Essai didactique sur l’Astronomie : M. de Fontanes n’a rien écrit de plus élevé. Je sais les inconvéniens du genre : on y est pressé, comme disait en son temps Manilius, entre la gêne des vers et la rigueur du sujet :

..... Duplici circumdatus æstu
Carminis et rerum
.....

Il faut exprimer et chanter, sous la loi du rhythme, des lois célestes que la prose, dans sa liberté, n’embrasse déjà qu’avec peine. Comme si ces difficultés ne se marquaient pas assez d’elles-mêmes, le poète, dans sa marche logique et méthodique, dans sa pénible entrée en matière et jusque dans ce titre d’Essai, n’a rien fait pour les dissimuler. Mais combien ce défaut peu évitable est racheté par des beautés de premier ordre ! et, d’abord, par un style grave, ferme, soutenu, un peu difficile, mais par là même pur de toute cette monnaie