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qu’à celui du raisonnement, aux inspirations du cœur humain plutôt qu’aux ordres des lois, et l’admiration des siècles a consacré le nom de ces grands hommes. Ils avaient tant de respect pour la toute puissance des habitudes, qu’ils ménagèrent même d’anciens préjugés peu compatibles en apparence avec un nouvel ordre de choses. La Grèce et Rome, en passant de l’empire des rois sous celui des archontes ou des consuls, ne virent changer ni leur culte, ni le fond de leurs usages et de leurs mœurs. Les premiers chefs de ces républiques se persuadèrent, sans doute, qu’un mépris trop évident de l’autorité des siècles et des traditions affaiblirait la morale en avilissant la vieillesse aux yeux de l’enfance ; ils craignirent de porter trop d’atteinte à la majesté des temps et à l’intérêt des souvenirs.

« La marche de l’esprit moderne a été plus hardie. Les lumières de la philosophie ont donné plus de confiance aux fondateurs de notre république. Tout fut abattu ; tout doit être reconstruit. »

Dans un autre discours de rentrée, il maintenait, contrairement, au préjugé régnant, la prééminence du siècle de Louis XIV, et des grands siècles du goût en général, non seulement à titre de goût, mais aussi à titre de philosophie :

« Chez les Latins, si vous exceptez Tacite, les auteurs qu’on appelle du second âge, inférieurs pour l’art de la composition, les convenances, l’harmonie et les graces, ont aussi bien moins de substance et de vigueur, de vraie philosophie et d’originalité, que Virgile, Horace, Cicéron et Tite-Live. La France offre les mêmes résultats. À l’exception de trois ou quatre grands modernes qui appartiennent encore à demi au siècle dernier, vous verrez que Racine, Corneille, La Fontaine, Boileau, Molière, Pascal, Fénelon, La Bruyère et Bossuet, ont répandu plus d’idées justes et véritablement profondes que ces écrivains à qui on a donné l’orgueilleuse dénomination de penseurs, comme si on n’avait pas su penser avant eux avec moins de faste et de recherche. »

La théorie littéraire de Fontanes est là ; son originalité, comme critique, consiste, sur cette fin du XVIIIe siècle, à déclarer fausse l’opinion accréditée, « si agréable, disait-il, aux sophistes et aux rhéteurs, par laquelle on voudrait se persuader que les siècles du goût n’ont pas été ceux de la philosophie et de la raison. » C’était proclamer au nom des Écoles centrales précisément le contraire de ce que Garat venait de prêcher aux Écoles normales. Il devançait dans sa chaire et préparait honorablement la critique littéraire renouvelée, que le Génie du Christianisme devait bientôt illustrer et