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Ces années du déclin de la vie lui furent des saisons de progrès poétique et de fertilité dans la production : signe certain d’une nature qui est forte à sa manière. Qu’on lise son ode sur la Vieillesse : il y a exprimé le sentiment d’une calme et fructueuse abondance dans une strophe toute pleine et comme toute savoureuse de cette douce maturité :

Le temps, mieux que la science,
Nous instruit par ses leçons ;
Aux champs de l’expérience
J’ai fait de riches moissons ;
Comme une plante tardive,
Le bonheur ne se cultive
Qu’en la saison du bon sens ;
Et, sous une main discrète
Il croîtra dans la retraite
Que j’ornai pour mes vieux ans.

S’il n’a pas plus laissé, il en faut moins accuser sa facilité, au fond, qui était grande, que sa main trop discrète et sa vue des choses volontiers découragée. Ce qui met M. de Fontanes au-dessus et à part de cette époque littéraire de l’empire, c’est moins la puissance que la qualité de son talent, surtout la qualité de son goût, de son esprit ; et par là il était plus aisément retenu, dégoûté, qu’excité. On le voit exprimer en maint endroit le peu de cas qu’il faisait de la littérature qui l’environnait. Sous Napoléon, il regrette qu’il n’y ait eu que des Chérile comme sous Alexandre ; sous les descendans de Henri IV, il regrette qu’il n’y ait plus de Malherbe : cette plainte lui échappe une dernière fois dans sa dernière ode. Dans celle qu’il a expressément lancée contre la littérature de 1812, il ne trouve rien de mieux pour lui que d’être un Silius, c’est-à-dire un adorateur respectueux, et à distance, du culte virgilien et racinien qui se perd. Les soi-disant classiques et vengeurs du grand siècle le suffoquent ; Geoffroy, dans ses injures contre Voltaire et sa grossièreté foncière de cuistre, ne lui paraît, avec raison, qu’un violateur de plus. Cette idée de décadence, si habituelle et si essentielle chez lui, honore plus son goût qu’elle ne condamne sa sagacité ; et, si elle ne le rapproche pas précisément de la littérature qui a suivi, elle le sépare avec distinction de celle d’alors, dans laquelle il n’excepte hautement que le chantre de Cymodocée.

Je ne puis m’empêcher, en cherchant dans notre histoire littéraire quelque rôle analogue au sien, de nommer d’abord le cardinal Du-