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tout caractère représentatif, ne furent plus guère que des communautés dotées de prérogatives personnelles et toutes spéciales.

La royauté anglaise, dont le premier souci avait été l’abaissement de la noblesse féodale, et qui, après sa longue lutte contre celle-ci, en avait sans transition engagé une autre contre l’esprit démocratique, alors étroitement lié au puritanisme religieux, envisagea le progrès de ces usurpations municipales d’un œil presque toujours favorable. Sa politique consista d’abord à séparer les corporations des seigneurs, puis à les rendre indépendantes de la masse des citoyens. Telle fut surtout l’œuvre des Stuarts, qui, comme condition d’une indépendance avantageuse à leurs vues autant qu’aux intérêts privés des membres des corporations, imposèrent à celles-ci des restrictions nombreuses. Quelques-unes acceptèrent, au prix qu’y mit la couronne, la consolidation d’un pouvoir qu’accompagnaient des avantages pécuniaires et des priviléges de tous genres ; d’autres résistèrent avec énergie et avec succès, à ce point que les infructueuses tentatives de Jacques II pour bouleverser le régime intérieur des communes ne contribua pas peu au succès de la révolution de 1688.

Le prince qui avait écrit sur sa bannière : Je maintiendrai, ne pouvait attaquer les vieilles corporations plus que le vieux système électoral. La famille d’Hanovre les respecta scrupuleusement comme les piliers de l’état et de l’église ; et c’est ainsi qu’appuyées sur le principe d’immobilisation de tous les abus si singulièrement introduits par une révolution libérale, elles se sont maintenues jusqu’au jour de la réforme, étalant à tous les regards le cynisme de leur corruption tarifée.

Une longue enquête ouverte par des commissaires spéciaux sur tous les points du territoire avait précédé la présentation du bill soumis à la chambre des communes[1]. Le dépouillement de ces innombrables evidences révéla une telle masse d’abus, pour ne pas dire de monstruosités, que le parti tory dut renoncer à en combattre le principe, se réservant d’en faire modifier les détails lors de la discussion en comité. Il demeurait constaté qu’une séparation profonde existait partout entre la masse des citoyens probes et les corporations locales, et que l’influence exercée par celles-ci sur les classes inférieures, lors des élections parlementaires, devait être signalée comme l’une des causes les plus actives de la démoralisation publique. Des témoignages

  1. Ce bill fut présenté par lord John Russell, secrétaire de l’intérieur, le 5 juin, et reçut la sanction royale le 9 septembre 1835.