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REVUE. — CHRONIQUE.

ne faisions que commencer en Afrique ; tout allait, au dehors, au gré de l’opposition. Il n’y avait qu’une question en jeu, une seule, et c’était celle de l’Espagne. Quand il fut question, plus tard, d’enlever les chemins de fer à l’état, l’opposition vit tout en noir. Comment l’état pouvait-il proposer de se charger de la grande tâche des chemins de fer, quand il avait déjà tant d’embarras sur les bras, et quand il avait devant lui l’éventualité de deux ou trois lourdes guerres à soutenir, du côté de la Belgique, en Afrique, en Orient et ailleurs encore ! Pour la conversion, même manœuvre. Le moyen de se refuser à la conversion quand tout était tranquille et prospère à l’intérieur, quand la sécurité régnait sur nos frontières ! Ainsi chaque chose avait une double face, selon le jour et selon l’heure. La majorité ne s’égara pas tout-à-fait cependant, et si elle se laissa entraîner à quelque erreur, comme dans la question des chemins de fer, nous la croyons plutôt disposée à les réparer, à la vue des résultats qui seront mis sous ses yeux, qu’à en commettre de nouvelles.

La situation est aujourd’hui à peu près la même, jusque dans les détails. N’avons-nous pas entendu déjà les sinistres prédictions de l’opposition sur l’expédition du Mexique, et ne rappellent-elles pas les prophéties des orateurs de l’an dernier, entre autres de M. Villemain, qui déclarait que l’envoi d’une escadre à Haïti était un bien mauvais moyen de conclusion auprès d’un peuple qui ne paierait jamais rien s’il était menacé de la guerre ? Le premier paragraphe de l’adresse disait que la chambre est libre et tranquille. Est-elle moins libre, moins tranquille aujourd’hui ? Il est vrai que M. Garnier-Pagès ne pourrait dire, comme il le disait alors, que M. Thiers était le bras gauche, et M. Guizot le bras droit du ministère. C’est un grand changement, sans doute, mais le corps est-il bien coupable d’avoir refusé l’emploi de deux membres un peu trop exigeans ?

Le programme de l’opposition n’était pas moins vaste et moins alarmant qu’il l’est cette année. Si l’opposition eût triomphé, nous eussions opéré, cette année-là, l’intervention en Espagne, la conversion, défié l’Europe au lieu de négocier avec elle au sujet des 24 articles. La situation en serait-elle meilleure ? Aurions-nous cette liberté de mouvement qui nous est si nécessaire dans la situation compliquée où nous nous trouvons et où se trouve l’Europe entière ? La France n’a donc pas succombé avec l’opposition, et si pareil cas se renouvelait encore, nous croyons qu’en dépit de toutes les déclamations sinistres de la coalition, on pourrait bien s’en féliciter l’année prochaine, comme on a le droit de s’en féliciter aujourd’hui.

Ce qu’il y a de salutaire dans ces premières discussions de la chambre, c’est que les questions, dénaturées par la presse durant tout l’intervalle des sessions, s’y replacent sous leur véritable jour. Voyez ce qui arriva pour l’intervention. On sut bientôt à quoi s’en tenir sur les attaques de l’opposition, qui accusait le ministère de vouloir la contre-révolution en Espagne, accusation que les journaux renouvellent chaque jour. Le ministère déclara que