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REVUE. — CHRONIQUE.

partie de l’un contre partie de l’autre. Aujourd’hui, que serait la cession des deux provinces à la Belgique, sinon un premier démembrement de la confédération, un premier coup porté au principe de la garantie des possessions que tous les membres de la confédération se sont promise, et dont les petits états réclament fortement l’inviolabilité ? Comme je vous le disais, la France s’est donc trouvée seule à Londres pour plaider la cause de la Belgique. Elle n’en a pas moins fait réviser, à force de persévérance, toute la partie du traité qui est relative aux arrangemens pécuniaires, fait dispenser la Belgique du paiement des arrérages échus de la dette, et obtenu pour l’avenir une réduction de près de moitié sur la portion qui en avait été mise à sa charge. Je crois même que l’objet de la mission de M. Desages, grossie par les uns, amoindrie par les autres, dénaturée par tous les commentaires de la presse, est de proposer une transaction plus avantageuse encore à nos voisins et alliés. Quel est donc le ministère qui a plus généreusement défendu les intérêts de la Belgique, et qui a regardé comme possible une double dépossession de la confédération germanique et du roi des Pays-Bas sans équivalent territorial ? Ce n’est assurément ni le cabinet du 13 mars, ni M. Sébastiani, son ministre des affaires étrangères, ni M. de Talleyrand, son ambassadeur à Londres et son représentant à la conférence, qui ont conclu, signé, ratifié de bonne foi et comme le seul arrangement raisonnable, le traité du 15 novembre 1831, sans lequel il n’y aurait pas de Belgique. Je ne parle pas des ministères suivans qui, heureusement pour eux, ont pu laisser cette question dans le provisoire et léguer tout entière cette immense difficulté à leurs successeurs. Je ne parle pas surtout du ministère du 11 octobre, qui n’a pris la citadelle d’Anvers, sous les yeux de l’Europe immobile, que parce qu’il avait pour lui le droit rigoureux de le faire, parce que l’Europe désapprouvait l’obstination du roi des Pays-Bas, et parce qu’elle croyait l’honneur de la France engagé à mettre le nouveau souverain en possession de tout son royaume. Mais qui oserait dire que les choses se fussent passées de la même manière, si la France n’avait pas alors agi au nom du traité, du traité seul, et probablement du traité tout entier ; si elle avait établi des distinctions entre le droit des Belges et celui des Hollandais ; en un mot, si elle n’avait pas déclaré que, le jour où le roi Guillaume le voudrait, Venloo lui appartiendrait au même titre que la citadelle d’Anvers à la Belgique ? Les six ans qui se sont écoulés depuis cette époque n’ont pas changé la question, et principalement la question européenne, à tel point que la France doive aujourd’hui tout braver et tout risquer pour empêcher maintenant une solution qu’on ne trouvait alors ni déshonorante ni dangereuse. La forteresse fédérale de Luxembourg, dont on parle tant, se serait-elle rapprochée de nos frontières ? Et si, en 1831, on a pu, sans trahir la France, malgré les clameurs de l’opposition, préférer la certitude de la paix, en y laissant les Prussiens, à la possibilité d’une guerre générale, de quel droit ceux qui ont si énergiquement défendu alors cette politique de transaction et de paix, ceux qui rassuraient les esprits contre les