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LES CHEMINS DE FER, L’ÉTAT, LES COMPAGNIES.

à bon droit notre timidité, que justifient malheureusement la médiocrité de nos fortunes et le peu de développement de nos relations d’affaires.

On voit, par ce qui précède, que nous passons sous silence les subsides accordés quelquefois par le parlement aux compagnies de chemins de fer qui les réclament pour achever leurs travaux. C’est qu’il ne s’agit pas là de secours comme on l’entendrait en France dans les cas les plus ordinaires ; car le parlement alloue des subsides, pour lesquels on doit lui payer un intérêt prévu par une législation spéciale ; et si la spéculation ne se dirigeait pas d’elle-même vers des essais, déjà heureux, ce n’est pas un concours ainsi marchandé et payé qui pourrait lui donner l’éveil et lui inspirer courage. Un prêt de l’état, c’est une charge de plus, une preuve que les devis sont dépassés, un préjugé défavorable en un mot. Il est donc permis de dire toujours, sans tenir compte de ces subsides éventuels, que les capitaux, en Angleterre, sont attirés dans l’industrie des chemins de fer par une force qui leur est propre et qui se passerait volontiers de la tutelle imparfaite et intéressée dont on les voit s’accommoder parfois.

Aux États-Unis, l’argent, voué à la spéculation, n’appartient pas, certes, à des capitalistes plus ombrageux que ceux de la Grande-Bretagne ; mais l’argent disponible, en général, et à quelque usage qu’on le destine, y est plus rare. La richesse mobilière, celle qui, dans notre vieille Europe, circule incessamment des fonds publics aux emplois industriels, et des innovations de l’industrie aux fonds publics, est peu développée encore chez cette nation si jeune, ou du moins, elle n’y a jamais eu qu’une grandeur factice, à l’aide d’un crédit exagéré, dont les trompeuses promesses se sont récemment évanouies au premier accident, comme tant d’autres hallucinations poétiques de je ne sais quelle économie sociale. Il n’y aurait pas, aux États-Unis, de suffisantes ressources dans l’association des capitaux libres pour l’établissement des chemins de fer, si cet établissement devait absorber les sommes qui sont consacrées à une pareille application par la Grande-Bretagne. La population anglo-américaine, d’ailleurs, est beaucoup moins dense que celle des îles Britanniques, et le territoire qu’elle doit couvrir de routes en fer, si l’on y comprend les parties incultes et inhabitées qu’elle prétend bien explorer et réunir à son domaine, est d’une étendue qui réduit encore davantage le chiffre de cette population si faible. Puisque, malgré tant de différences fondamentales, l’exécution des voies rapides de commu-