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REVUE. — CHRONIQUE.

paraît que le plénipotentiaire français n’a pu encore obtenir la modification de ces bases du traité, reconnues d’ailleurs par la Belgique comme par la France. Aux yeux du gouvernement, il s’agit donc d’un traité, et changer les choses, c’est, selon lui, rompre un engagement pris par la France. Un journal, le Courrier Français, assure que M. Guizot a pris la parole dans la commission de l’adresse, pour faire observer que, constitutionnellement parlant, la chambre n’a pas à s’occuper du passage du discours de la couronne qui fait allusion à cette affaire, attendu que la chambre ne doit connaître que des traités conclus et non de ceux qui sont encore en projet. Le Courrier Français ajoute que se taire serait approuver le gouvernement, et il engage ses amis de la commission à se tenir en garde contre ce qu’il nomme « la tendance naturelle de M. Guizot vers le sophisme, et son goût dominant pour le pouvoir. » Nous sommes de l’avis du Courrier Français, mais non par les mêmes motifs. S’il est constitutionnel que la chambre ait à s’occuper des traités conclus, l’adresse doit se prononcer sur le traité des 24 articles, que le Courrier nomme le dernier crime politique de M. de Talleyrand, et qui est un traité conclu depuis long-temps, M. Guizot le sait bien. Ainsi, pour l’opposition, il est question, en venant au pouvoir, non pas d’empêcher la conclusion d’un traité, mais de déchirer un traité signé par la France, et fait à la grande approbation des anciens ministres qui figurent dans la coalition.

M. Thiers et ses amis de la gauche, ou du moins les journaux qui prétendent parler en leur nom, et notamment le Constitutionnel, disent que ce n’est plus là un traité ; que huit ans de refus de la part du roi de Hollande l’ont suffisamment annulé, et que, dans tous les cas, puisqu’un traité de 18 articles, antérieur à celui-ci, avait été annulé par suite de l’agression du roi de Hollande, on peut bien faire pour les 24 articles ce qui a été fait pour les 18 articles. Enfin, ils ajoutent que le traité ayant été modifié en ce qui concerne la dette, il est possible de le modifier en ce qui concerne le territoire.

Sur ce dernier point, M. Molé a déjà répondu à M. Villemain, qui faisait la même objection dans la chambre des pairs, en lui citant le protocole 48 qui ouvrait la voie à ces modifications. Et pour ce qui est des 18 articles annulés après l’agression du roi de Hollande, ces articles n’avaient pas été demandés par le plénipotentiaire belge avec la garantie des puissances contre le roi de Hollande, et il serait étrange d’arguer contre la France de ce qu’elle a fait pour la Belgique. L’opposition fera bien de s’en tenir à déclarer, comme elle le fait, que le traité des 24 articles n’existe pas, et qu’en conséquence, il ne doit pas être exécuté. Si l’opposition ajoute que le gouvernement n’a pas soutenu la Belgique dans la question de territoire, l’opposition aura tort, et tort doublement ; si elle prétend que le gouvernement a eu peur d’aller trop loin, elle aura raison. Le gouvernement a eu peur de violer sa garantie et sa parole. Nous ne voyons pas qu’il y ait à rougir de cela.

M. Thiers et son parti sont encore ici d’un avis différent. À en juger par leurs organes, ils estiment que la France n’aurait eu rien à risquer en prenant une attitude plus énergique, en déclarant qu’elle s’opposera de vive force à