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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/134

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REVUE DES DEUX MONDES.

Pour égarer l’essor de vos mélancolies :
...................
Si votre livre, au temps porte une confidence,
Vous n’en redoutez pas l’amère pénitence ;
Votre vers pur n’a pas comme un tocsin tremblant ;
Votre muse est sans tache et votre voile est blanc !
Et vous avez au faible une douceur charmante !

Tout à coup, dans un de ces élans qui ne sont qu’à elle entre les femmes poètes de nos jours, elle s’écrie :

J’ai dit ce que jamais femme ne dit qu’à Dieu.

Sapho devait avoir de ces cris-là : ou plutôt on sent que cette enfant de Douai, cette fille de la Flandre y a puisé en naissant des étincelles de la flamme espagnole, en même temps qu’elle ne cesse de croire à la madone comme la religieuse portugaise.
Je voudrais qu’un jour on tirât de ce volume, qu’on dégageât cette suite d’élégies-romances dont la forme est si assortie à la manière de Mme Valmore, et dans lesquelles son sentiment soutenu se produit quelquefois jusqu’au bout avec un parfait bonheur, sans les tourmens plus ordinaires à l’alexandrin : Croyance, la Femme aimée, Aveu d’une Femme, Ne fuis pas encore, la double Image, Fleur d’Enfance. Je citerai, comme échantillon, celle-ci :
RÊVE D’UNE FEMME.

Veux-tu recommencer la vie ?
Femme ! dont le front va pâlir,
Veux-tu l’enfance, encor suivie
D’anges enfans pour l’embellir ?
Veux-tu les baisers de ta mère,
Échauffant tes jours au berceau ?
— « Quoi, mon doux Éden éphémère :
Oh ! oui, mon Dieu ! c’était si beau ! »

Sous la paternelle puissance,
Veux-tu reprendre un calme essor ?
Et dans des parfums d’innocence,
Laisser épanouir ton sort ?
Veux-tu remonter le bel âge,
L’aile au vent comme un jeune oiseau ?
— « Pourvu qu’il dure davantage.
Oh ! oui, mon Dieu ! c’était si beau ! »

Veux-tu rapprendre l’ignorance,
Dans un livre à peine entr’ouvert.
Veux-tu ta plus vierge espérance,
Oublieuse aussi de l’hiver :
Tes frais chemins et tes colombes
Les veux-tu jeunes comme toi ?