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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/16

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les villes. Il profita de ces changemens qui ne furent pas son ouvrage, mais il ne recouvra pas ses anciens droits politiques. — Une ombre de ces droits reparut au XIVe siècle dans les états-généraux. Ces assemblées ne furent qu’une image imparfaite de celles que Charlemagne avait jadis instituées. — Les états-généraux de 1355 et ceux de 1356 montrèrent quelque connaissance des droits de la nation ; mais l’incapacité et l’imprévoyance de ces deux assemblées rendirent infructueux les efforts qu’elles firent pour le rétablissement de la liberté[1]. » Telle est, pour l’auteur des Observations sur l’histoire de France, la série des grands faits politiques ; toutes les autres considérations ne sont à ses yeux que secondaires. Pour employer le langage de l’école, ce sont là ses prémisses, et voici sa conclusion énoncée par lui-même, conclusion qui renferme tout l’esprit du livre et embrasse à la fois, pour la France, le passé et l’avenir. « En détruisant les états-généraux pour y substituer une administration arbitraire, Charles-le-Sage a été l’auteur de tous les maux qui ont depuis affligé la monarchie. Il est aisé de démontrer que le rétablissement de ces états, non pas tels qu’ils ont été, mais tels qu’ils auraient dû être, est seul capable de nous donner les vertus qui nous sont étrangères et sans lesquelles un royaume attend, dans une éternelle langueur, le moment de sa destruction[2]. »

Ce vœu du publiciste ne tarda guère à se réaliser ; le rétablissement des états-généraux eut lieu en 1789, et il fut aussitôt suivi d’une immense révolution qui renouvela la société, balayant tout ce qu’il y avait d’ancien dans les institutions de la France, les états-généraux comme le reste. C’était le but de la Providence, le grand dessein à l’accomplissement duquel travaillèrent, sans le connaître, les écrivains du XVIIIe siècle, par la philosophie et par le sophisme, par le faux et par le vrai, par l’histoire et par le roman. Il y a plus de roman que d’histoire dans le système de Mably, mais qu’importait à ses contemporains ? Ce qu’ils demandaient, ce qu’il leur fallait, c’était l’excitation révolutionnaire, non la vérité scientifique ; c’est ce qu’on doit se dire, en jugeant ce livre pour lui marquer exactement sa place. L’auteur n’avait aucune science des antiquités nationales ; les études de toute sa vie avaient roulé sur l’antiquité classique et sur la diplomatie moderne. Il fit tardivement et rapi-

  1. Observations sur l’histoire de France, liv. III, chap. I et VII, liv. IV, chap. III ; liv. V, chap. ii et III.
  2. Ibid., tom. VI, pag. 213.