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VOYAGEURS ET GÉOGRAPHES MODERNES.

les frères Lander cherchaient, au milieu de mille morts, à dérober aux royaumes de l’Afrique centrale les mystères de leur existence et de leur organisation. Nous citons là trente noms, comme ils nous viennent et au hasard ; il faudrait en citer mille.

Ainsi, la situation a changé ; la géographie descriptive vient de décupler son domaine. De pauvre et de stérile qu’elle était avant ce bel essor du XVe siècle, la voilà devenue opulente et féconde, opulente à ce point qu’elle en est à l’embarras des richesses. Il s’agit maintenant d’ordonner la science, de lui créer des allures méthodiques, d’en trier, d’en contrôler les élémens. La théorie de Ptolémée a été ruinée par les découvertes de Copernic et de Galilée ; Mercator et Varénius opèrent sur cette base et renouvellent la géographie mathématique. Keppler et Newton y concourent en trouvant la loi des mondes. Conring pressent la statistique, Delisle et Haase cherchent à recueillir les observations éparpillées, pendant que Buache se jette dans le champ des hypothèses. Mais les vrais fondateurs de la science générale, d’Anville et Busching, ne paraissent qu’au milieu du XVIIe siècle. D’Anville, esprit subtil et patient, ouvre la voie à un collationnement érudit entre la topographie antique et la topographie moderne, travail plus ingénieux qu’utile et dans lequel ont trop abondé, selon nous, Heeren, Voss, Mannert, Gosselin et plusieurs autres. Busching est plutôt l’homme des faits actuels ; il rassemble et résume les découvertes accomplies. Le tracé des cartes, jusqu’alors arbitraire et informe, acquiert peu à peu cette précision et cette netteté qu’on y admire aujourd’hui. Après Mercator qui le premier changea le système de projection, paraissent successivement Sanson, Blacuw et Cassini, dépassés à leur tour par Rennel, Dalrymple, Arrowsmith, Hogsburgh, Lapie et Brué.

Cependant, au milieu de ces conquêtes abondantes et imprévues, la géographie générale voyait à chaque instant s’agrandir ou se modifier ses perspectives. Chaque jour, quelques données vieillissaient, se rectifiaient, se complétaient. L’observation prenait un caractère plus précis, plus rigoureux, plus scientifique. Ce fut alors que les livres succédèrent aux livres ; les auteurs aux auteurs. Tous les quinze ans il fallait reconstruire la science, et comme précis élémentaire et comme haut enseignement. L’œuvre la plus méritante, en ce genre, n’était pas celle du meilleur esprit, mais celle du dernier auteur qui avait pris la plume. C’était plutôt une question de date qu’une question de talent. Ainsi, après Mentelle et Pinkerton, parut Malte-