Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
REVUE DES DEUX MONDES.

excitent vivement son admiration ; mais, dans les pages pompeuses qu’il consacre à la description de ce vénérable monument, Walter Scott est poète avant tout. Notre tâche à nous est d’être historien, et nous devons, quoi qu’il en coûte, ajouter de tristes réalités à cette séduisante poésie : disons donc que les sapins séculaires ont été abattus, que le ruisseau a cessé son murmure et n’est plus qu’un cloaque infect, que les pierres tumulaires sont si pressées, qu’aux environs de l’église on ne marche que sur des armoiries, des épitaphes et des inscriptions de toute espèce, et qu’en fait de végétation, à peine sur la colline reste-t-il quelques cyprès rabougris et quelques plaques d’un gazon rare et jauni. Ajoutons aussi que, par une sorte de convenance ou d’inconvenance singulière, l’hôpital a été bâti si près du cimetière, que de leur lit les malades voient, en quelque sorte, creuser la fosse qui les attend, et que les exhalaisons putrides qui s’élèvent du fond de la ravine humide, et les émanations du cimetière ne peuvent que hâter leur fin. En revanche, la vue que l’on a du haut de l’éminence sur laquelle l’église est bâtie est des plus magnifiques, et distrait le voyageur du sombre spectacle qui l’environne. À l’est s’étend toute la vallée de la Clyde, et dans la même direction apparaissent les tours massives du château de Bothwell ; vers l’ouest, on aperçoit les châteaux de Mearns et de Cruickstone, et plus loin, vers la droite, et au-delà du ruban d’argent formé par la Clyde, se dresse le roc noir de Dumbarton, qui a quelque ressemblance avec le rocher du Mont-Saint-Michel, vu de la terrasse d’Avranches. Enfin, à nos pieds et sur les coteaux voisins, s’étendent la ville vieille et la ville nouvelle, et à l’horizon, dans toutes les directions, se groupent de longues chaînes de collines que dominent les monts Campsies et les hauts sommets des montagnes du duché d’Argyle.

Comme nous l’avons dit tout à l’heure, la cathédrale de Glasgow et celle de Kirkwall, dans les Orcades, sont les deux seuls monumens de l’architecture du XIe et du XIIe siècle qui soient restés intacts en Écosse. Il fallut une émeute de la bourgeoisie pour préserver l’église de Glasgow de la destruction. Pennant nous raconte, en effet, qu’en 1708 les ministres réformés arrachèrent, à force de menaces et d’importunités, aux autorités de la ville, un ordre qui les autorisait à la faire démolir. Le fanatisme des puritains allait jusqu’à les animer d’une haine stupide contre des pierres. Au lieu d’occuper ce vaste bâtiment et de chercher à l’approprier aux besoins du nouveau culte, ils voulaient le renverser, le tuer comme un ennemi. Munis de l’ordre de destruction, ils avaient rassemblé quelques centaines d’ouvriers ; la canaille s’était jointe à eux ; déjà la hache et le marteau étaient levés. Quelques bourgeois, plus éclairés que leurs concitoyens, ou mus peut-être par un reste d’opposition religieuse, se jetèrent en armes dans l’église, et menacèrent de tuer sur place le premier qui toucherait à ses murailles. Les démolisseurs furent intimidés. Tandis qu’ils hésitaient, le prévôt arriva ; et, se mêlant aux ouvriers et à la populace : — Vous avez raison, leur dit-il, il faut démolir la cathédrale papiste, mais lorsque nous en aurons bâti une nouvelle à notre usage. — Le