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l’instruction est la plus libérale et la plus répandue. Il n’y a pas de citadin, même de la classe indigente, qui ne sache lire, écrire, calculer, et qui n’ait quelque teinture de l’histoire de son pays ; et il n’est pas d’ouvriers, à l’exception des nouveaux débarqués des îles ou des montagnes, qui ne sache lire. Cela tient au grand nombre d’écoles gratuites ouvertes dans chaque quartier de la ville. Ces écoles sont au nombre d’environ quarante, dont quelques unes contiennent plus de cent écoliers. La plupart sont pourvues de petites bibliothèques élémentaires d’un fort bon choix. Ici, point d’obscurantisme. On a cru s’apercevoir, sur les bords de la Clyde, que plus l’intelligence des gens du peuple et des ouvriers était développée, meilleurs ils étaient. Une statistique assez curieuse a établi que chaque école qui s’ouvrait enlevait, en moins de dix années, quarante à cinquante malheureux jeunes gens aux colonies de déportation, et alors, par une philanthropie bien entendue, on s’est appliqué à multiplier le nombre des écoles. Les faits ont continué à se montrer d’accord avec la théorie. Malgré des crises commerciales répétées, des intermittences de stagnation dans le mouvement des manufactures et de l’industrie, le nombre des criminels, loin d’augmenter, a diminué à Glasgow, dans une proportion plus considérable que dans tout le reste de l’Écosse. Cette proportion pour l’Écosse, la partie la plus éclairée des îles britanniques, est, du reste, fort remarquable. D’après les derniers recensemens, la population de l’Écosse est de 2,100,000 ames environ ; dans ce nombre, il y a 460,000 agriculteurs, 680,000 négocians, employés aux manufactures, ouvriers, etc., 410,000 individus occupés de toute autre manière ou oisifs, et environ 550,000 enfans au-dessous de l’âge de quinze ans. Sur ces 2,100,000 habitans, l’Écosse comptait, en 1824, un peu plus de 191,000 écoliers, et les colléges seuls renfermaient 4,500 étudians. Or, dans les douze dernières années, le nombre des condamnations a été moindre en Écosse que dans les années précédentes, moindre surtout que dans les pays voisins. En 1836, par exemple, le nombre d’individus frappés de condamnations a été de 1 sur 809, tandis qu’en Angleterre et en France, où l’instruction est moins répandue, le nombre a été de 1 sur 682 pour l’Angleterre, de 1 sur 550 pour la France.

Outre ce grand nombre d’écoles et son université, que nous avons déjà fait connaître, Glasgow renferme plusieurs autres établissemens scientifiques, les écoles des arts et de mécanique, l’institution d’Anderson, fondée en 1796, où l’on enseigne à des élèves des deux sexes les sciences applicables aux arts, et plusieurs sociétés académiques.

À Glasgow comme à Édimbourg, et plus généralement encore qu’à Édimbourg, ce qu’on appelle un homme d’esprit, ce n’est pas celui qui sait écrire et causer agréablement ; c’est l’homme qui agit et qui réussit ; c’est par-dessus tout celui qui sait gagner beaucoup d’argent. Après l’homme d’esprit, il y a l’homme de talent ; c’est celui qui s’élève dans la carrière politique, qui est à la tête d’un club, qui a des chances d’arriver au parlement. Depuis le bill de réforme, beaucoup de radicaux sont devenus des gens de talent ;