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« Fabio de Campireali, qui était un jeune homme fier de son courage et plein de hauteur, remarquant que le moine le plus âgé ne saluait ni son père, ni lui, en passant si près d’eux, s’écria : — Voilà un fripon de moine bien fier ! Dieu sait ce qu’il va faire hors du couvent, lui et son compagnon, à cette heure indue ! Je ne sais ce qui me tient de lever leurs capuchons ; nous verrons leur mine. — À ces mots, Jules saisit sa dague sous sa robe de moine et se plaça entre Fabio et Hélène. En ce moment il n’était pas à plus d’un pied de distance de Fabio ; mais le ciel en ordonna autrement, et calma par un miracle la fureur de ces deux jeunes gens qui bientôt devaient se voir de si près. »

Dans le procès que par la suite on intenta à Hélène de Campireali, on voulut présenter cette promenade nocturne comme une preuve de corruption. C’était le délire d’un jeune cœur enflammé d’un fol amour, mais ce cœur était pur.

III.

Il faut savoir que les Orsini, éternels rivaux des Colonna, et tout puissans alors dans les villages les plus voisins de Rome, avaient fait condamner à mort, depuis peu, par les tribunaux du gouvernement, un riche cultivateur nommé Balthazar Bandini, né à la Petrella. Il serait trop long de rapporter ici les diverses actions que l’on reprochait à Bandini : la plupart seraient des crimes aujourd’hui, mais ne pouvaient pas être considérées d’une façon aussi sévère en 1559. Bandini était en prison dans un château appartenant aux Orsini, et situé dans la montagne du côté de Valmontone, à six lieues d’Albano. Le Barigel de Rome, suivi de cent cinquante de ses sbires, passa une nuit sur la grande route ; il venait chercher Bandini pour le conduire à Rome dans les prisons de Tordinona ; Bandini avait appelé à Rome de la sentence qui le condamnait à mort. Mais, comme nous l’avons dit, il était natif de la Petrella, forteresse appartenant aux Colonna ; la femme de Bandini vint dire publiquement à Fabrice Colonna, qui se trouvait à la Petrella : — Laisserez-vous mourir un de vos fidèles serviteurs ? — Colonna répondit : — À Dieu ne plaise que je m’écarte jamais du respect que je dois aux décisions des tribunaux du pape mon seigneur ! — Aussitôt ses soldats reçurent des ordres, et il fit donner avis de se tenir prêts à tous ses partisans. Le rendez-vous était indiqué dans les environs de Valmontone, petite ville bâtie au