Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
301
L’ABBESSE DE CASTRO.

Jules Branciforte. Le prince prit un sentier à droite de la grande route et qui le conduisait à l’extrémité de la clairière la plus éloignée de la route.

Le prince s’était à peine éloigné depuis quelques minutes, lorsqu’on vit venir de loin, par la route de Valmontone, une troupe nombreuse d’hommes à cheval ; c’étaient les sbires et le Barigel, escortant Bandini, et tous les cavaliers des Orsini. Au milieu d’eux se trouvait Balthazar Bandini, entouré de quatre bourreaux vêtus de rouge ; ils avaient l’ordre d’exécuter la sentence des premiers juges, et de mettre Bandini à mort, s’ils voyaient les partisans des Colonna sur le point de le délivrer.

La cavalerie de Colonna arrivait à peine à l’extrémité de la clairière ou prairie la plus éloignée de la route, lorsqu’il entendit les premiers coups d’arquebuse de l’embuscade par lui placée sur la grande route en avant de l’abatis. Aussitôt il mit sa cavalerie au galop et dirigea sa charge sur les quatre bourreaux vêtus de rouge qui entouraient Bandini.

Nous ne suivrons point le récit de cette petite affaire qui ne dura pas trois quarts d’heure ; les partisans des Orsini surpris s’enfuirent dans tous les sens ; mais, à l’avant-garde, le brave capitaine Ranuce fut tué, événement qui eut une influence funeste sur la destinée de Branciforte. À peine celui-ci avait donné quelques coups de sabre, toujours en se rapprochant des hommes vêtus de rouge, qu’il se trouva vis-à-vis de Fabio Campireali.

Monté sur un cheval bouillant d’ardeur, et revêtu d’un giacco doré (cotte de mailles), Fabio s’écriait :

— Quels sont ces misérables masqués ? Coupons leurs masques d’un coup de sabre ; voyez la façon dont je m’y prends !

Presque au même instant, Jules Branciforte reçut de lui un coup de sabre horizontal sur le front. Ce coup avait été lancé avec tant d’adresse, que la toile qui lui couvrait le visage tomba en même temps qu’il se sentit les yeux aveuglés par le sang qui coulait de cette blessure, d’ailleurs fort peu grave. Jules éloigna son cheval pour avoir le temps de respirer et de s’essuyer le visage. Il voulait, à tout prix, ne point se battre avec le frère d’Hélène, et son cheval était déjà à quatre pas de Fabio, lorsqu’il reçut sur la poitrine un furieux coup de sabre qui ne pénétra point, grâce à son giacco, mais lui ôta la respiration pour un moment. Presque au même instant, il s’entendit crier aux oreilles :