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REVUE DES DEUX MONDES.


Les perles de la poésie
Forment sous leurs doigts d’ambroisie
D’un collier le brillant contour.
Viens, Fanny : que ma main suspende
Sur ton sein cette noble offrande…

La pièce reste ici interrompue ; pourtant je m’imagine qu’il n’y manque qu’un seul vers, et possible à deviner ; je me figure qu’à cet appel flatteur et tendre, au son de cette voix qui lui dit Viens, Fanny s’est approchée en effet, que la main du poète va poser sur son sein nu le collier de poésie, mais que tout d’un coup les regards se troublent, se confondent, que la poésie s’oublie, et que le poète comblé s’écrie ou plutôt murmure en finissant :
Tes bras sont le collier d’amour[1] !


Il résulte, pour moi, de cette quantité d’indications et de glanures que je suis bien loin d’épuiser, il doit résulter pour tous, ce me semble, que, maintenant que la gloire de Chénier est établie et permet, sur son compte, d’oser tout désirer, il y a lieu véritablement à une édition plus complète et définitive de ses œuvres, où l’on profiterait des travaux antérieurs en y ajoutant beaucoup. J’ai souvent pensé à cet idéal d’édition pour ce charmant poète, qu’on appellera, si l’on veut, le classique de la décadence, mais qui est, certes, notre plus grand classique en vers depuis Racine et Boileau. Puisque je suis aujourd’hui dans les esquisses et les projets d’idylle et d’élégie, je veux esquisser aussi ce projet d’édition qui est parfois mon idylle. En tête donc, se verrait, pour la première fois, le portrait d’André d’après le précieux tableau que possède M. de Cailleux, et qu’il vient, dit-on, de faire graver, pour en assurer l’image unique aux amis du poète. Puis on recueillerait les divers morceaux et les témoignages intéressans sur André, à commencer par les courtes, mais consacrantes paroles, dans lesquelles l’auteur du Génie du Christianisme l’a tout d’abord révélé à la France, comme dans l’auréole de l’échafaud. Viendrait alors la notice que M. de Latouche a mise dans l’édition de 1819, et d’autres morceaux écrits depuis, dans lesquels ce serait une gloire pour nous que d’entrer pour une part, mais où surtout il ne faudrait pas omettre quelques pages de M. Brizeux, insérées autrefois au Globe sur le portrait, une lettre de M. De Latour sur une édition

  1. Ou peut-être et plus simplement :

    Ton sein est le trône d’amour !