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DE LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE.

à l’étranger qui obtient l’hospitalité ; c’est là surtout le cas de dire : — Le style, c’est l’homme, et l’homme alors a des titres d’autant plus grands à la protection des lois qu’il a été amené sur la terre étrangère par la fraude et la violence. Il est évident toutefois qu’un gouvernement ne peut pas accorder plus de garanties aux étrangers qu’aux nationaux, et qu’un délit ne peut être déféré qu’aux tribunaux du pays où il a été commis. On entrevoit, d’après ces principes, la base de réciprocité que la France a mission d’affermir. Il suffit d’amener les gouvernemens européens à une résolution conçue à peu près en ces termes : « Nous étendons aux auteurs (de telles nations) ou à leurs cessionnaires le bénéfice des lois qui protègent chez nous la propriété littéraire. » La proposition du gouvernement est conforme à la nôtre par l’esprit, mais elle en diffère essentiellement par les conséquences. Elle donne ouverture à la mauvaise foi, en n’autorisant pas formellement le propriétaire à faire constater le délit dont il est victime, et à traduire le faussaire devant les tribunaux de son propre pays. Elle nécessiterait d’interminables négociations pour débattre avec chaque puissance les clauses d’une exacte réciprocité : il est à craindre surtout qu’en obligeant à des mesures préventives les états associés au système, elle donne lieu à des complications qui ne tarderaient pas à décourager les administrations les plus bienveillantes. Au contraire, une formule comme celle que nous indiquons, simple, décisive, généralement applicable, sans difficultés dans la pratique, serait admise sans opposition par les hommes d’état, et s’inscrirait d’elle-même dans la conscience des peuples et dans les maximes du droit des gens.

Les personnes étrangères aux habitudes commerciales de la librairie douteront de l’efficacité du remède ; nous avons hâte de les rassurer. Les droits de la propriété littéraire sont aujourd’hui consacrés chez presque tous les peuples européens. La déchéance prononcée contre l’auteur, après un temps plus ou moins long, loin d’être une atteinte au principe, en devrait être considérée comme la confirmation, puisque, dans le fait, elle n’est pas autre chose qu’un cas d’expropriation pour cause d’utilité publique. Les dispositions qui régissent la matière sont, à la vérité, très diverses : c’est qu’elles doivent suivre le mouvement social et industriel provoqué par la littérature ; et si, en quelques pays, elles restent insuffisantes et même inappliquées, c’est qu’elles y sont inutiles, en raison de la stagnation des esprits.

Mais si les conditions de la propriété sont variables, la pénalité qui frappe le spoliateur est, pour ainsi dire, uniforme, parce qu’elle est prescrite par le sens commun. Partout, le délit de contrefaçon est puni par la confiscation des exemplaires saisis, par des dommages et intérêts accordés à la partie plaignante, et dont les fabricateurs et débitans sont également passibles, quelquefois enfin par une amende au profit du fisc. La pénalité étant la même partout, il devient très facile d’en étendre l’application, en vertu de la convention dont nous avons donné la formule. Par exemple, un libraire français contrefait l’Edinburg Review. L’éditeur anglais envoie titres et procura-