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REVUE. — CHRONIQUE.

parlons pas de son histoire cachée que la France ne connaîtra que trop tôt, des conventions secrètes qui ont eu lieu entre les partis qui la composent, et qui livreront, si elles sont exécutées, la monarchie de juillet à ses plus violens adversaires, ou qui augmenteront encore l’irritation des partis, si elles restent sans résultats. Mais sa marche politique dans la chambre, que nous connaissons au moins, a-t-elle été bien favorable au pays ? Dans la dernière session, tous les projets de loi d’utilité matérielle ont été disputés ou repoussés par la coalition qui avait résolu de tout entraver pour faire pièce au ministère, et qui le fustigeait ainsi sur le dos de la France. Qui donc a encouragé les oppositions exagérées à demander le suffrage universel et l’abolition des lois de septembre, si ce n’est la coalition ; et d’où sont venus tous les obstacles de la situation actuelle, si ce n’est encore de là ? Pour ne parler que de la Belgique, n’est-ce pas en répandant, dans toutes les provinces de ce pays, le bruit d’une prétendue promesse de M. Thiers de prendre en main la cause belge contre les puissances et les traités, que les députés belges à Paris ont soulevé, à leur retour, toutes les populations ? Nous savons bien que ces promesses n’ont pas été faites par M. Thiers ; mais la parole de M. Mauguin et des membres de la coalition qui siégent à l’extrême gauche, n’a-t-elle pas le pouvoir d’engager celle de M. Thiers, puisqu’il ne saurait être ministre sans leur concours, et qu’il lui faudra subir leurs conditions ? Et la paix intérieure du pays n’est-elle pas bien assurée en présence des partis qui s’écrient chaque jour qu’il faut s’opposer aux empiétemens du trône ? N’avons-nous donc pas vu les déplorables effets de semblables accusations, et sous le ministère de M. Thiers, un assassin ne s’armait-il pas de cette raison pour attenter aux jours du roi ? Et l’on viendra nous dire que c’est le ministère qui est funeste à la France !

Le ministère du 15 avril a répondu à toutes ces attaques en discutant le projet d’adresse avec un talent et un courage qui n’ont été méconnus en France et en Europe, que par les journaux de la coalition. Puis il s’est retiré, laissant à d’autres une tâche qu’on lui rendait trop difficile et trop amère. Au moins ce n’est pas la coalition qui dira qu’en se retirant, le cabinet du 15 avril a fait encore une chose funeste à la France. Nous le disons, nous, en approuvant toutefois le sentiment qui a dicté cette démarche à M. le comte Molé et à ses collègues, qui, après une discussion telle que celle de l’adresse, devaient, à juste titre, s’attendre à un meilleur résultat. Une réunion de 221 voix, toute désintéressée, toute courageuse, toute unie qu’elle soit, ne pouvait suffire à les faire triompher suffisamment des difficultés de la situation actuelle.

Depuis le commencement de cette crise ministérielle, avons-nous vu la coalition préoccupée des intérêts du pays ? S’est-elle servie de ses organes si divers pour le rassurer sur ses projets ? Se voyant à la veille de s’emparer du pouvoir, a-t-elle fait entendre quelques paroles conciliatrices ? S’est-elle mise en mesure de maintenir la paix en Europe, en déclarant que les traités ont