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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/443

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LA TERREUR EN BRETAGNE.

— Pourquoi trembler ? lui demandai-je. Lors même que les royalistes viendraient, vous n’avez rien à craindre ; vos frères ne combattent-ils pas dans leurs rangs ?

— Le sauront-ils ? dit-elle.

— Votre famille habite ces cantons, et ils doivent connaître votre nom ?

— Je l’espère !… Mais vous ?

— Moi j’ai fait mes dispositions testamentaires ; je ne crains rien.

— Ah ! je ne vous quitterai pas ! s’écria-t-elle en se serrant davantage contre moi.

Je fus touché de cet élan naïf et généreux.

— Ne songez qu’à vous, lui dis-je ; c’est vous, et non pas moi, que j’ai promis de sauver.

— Comment reconnaître jamais ce que vous faites, monsieur.

— En vous souvenant quelquefois de cette nuit…

Elle allait répondre sans doute, lorsque Ivon jeta un léger cri et partit au galop. Au même instant deux coups de feu retentirent ; mon cheval tomba en poussant un hennissement plaintif ; plusieurs hommes franchirent le fossé qui séparait le taillis de la route, et nous nous trouvâmes entourés. Quoique j’eusse une jambe engagée sous mon cheval je m’étais redressé, pour faire de mon corps une défense à la jeune fille.

— C’est mademoiselle de La Hunoterie ! m’écriai-je.

J’avais à peine achevé que je me sentis frappé à la tête ; je tombai étourdi et la face contre terre. À partir de cet instant, je ne sus plus que vaguement ce qui se passait. Il me sembla qu’on m’emportait dans le bois, et je crus même sentir les ronces me déchirer les mains et le visage ; mais ce que j’éprouvais devint de plus en plus confus, et je finis par m’évanouir complètement.

Je fus rappelé à moi par une sensation de froid. Ayant étendu machinalement la main, je rencontrai un mur de branches et de feuilles. Je m’efforçai alors de me soulever sur le coude, mais je fus quelque temps avant de pouvoir rassembler mes idées. J’éprouvais une douleur violente à la tête ; tout flottait devant mes yeux comme les images d’un rêve. Enfin, pourtant, le sentiment de la réalité me revint ; je me rappelai ce qui venait de se passer, et je regardai autour de moi.

Je me trouvai couché sur une litière de paille de sarrasin, au fond d’une vaste hutte bâtie en ramées, et au milieu de laquelle étincelait un grand feu. Une dizaine d’hommes causaient à l’entour : tous por-