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poléon, qui ont acheté par vingt ans de combats, puis par vingt ans d’exil ou de disgrace, l’honorable retraite qu’ils ont trouvée près du roi. À ses fêtes, à ses réceptions, figurent des députés, des pairs, des citoyens de tous les rangs, des industriels, des savans, tous ceux qui exercent un droit politique, ou qui se sont recommandés à l’estime publique par de nobles succès, par une vie laborieuse, par des services rendus au pays. Où est la place des émigrés dans tout cela ? Quel rapport trouver entre Napoléon qui restaurait l’étiquette de Louis XIV, et Louis-Philippe et ses enfans, dont le parti de l’ancienne cour critique chaque jour, dans ses journaux, les mœurs simples et bourgeoises ? M. Thiers a bien raison de terminer cette longue partie de sa lettre en disant que ces faits sont d’une médiocre importance. Ajoutons que ces griefs sont nuls ou puérils, et passons avec lui à ceux qu’il regarde comme plus graves, au chapitre des affaires étrangères.

Une discussion de douze jours, où M. Molé est monté dix-sept fois à la tribune pour répondre victorieusement à M. Thiers ne lui suffit pas. M. Thiers réveille une vieille querelle qui ne s’est pas terminée à son avantage, et où il a fait briller un talent digne d’une meilleure cause. « Le gouvernement a été faible au dehors comme au dedans, dit M. Thiers, qui tout à l’heure s’était séparé de lui parce qu’il avait montré, disait-il, trop de rigueur. Le gouvernement a voulu prouver à l’Europe qu’il ne s’intéresse qu’à sa propre existence ; qu’il est indifférent à l’Italie, à l’Espagne, à la Belgique, et à tous les états dont le cabinet antérieur avait pris la défense. » Nous venons de voir, par les citations de M. Thiers, de quelle manière il avait pris la défense de l’Italie, comment il entendait alors donner à la Belgique plus que ne lui accordent les traités, de quelle façon il envisageait la nationalité de la Pologne. Et le ministère actuel aurait fait moins ! M. Molé qui, de l’aveu de M. Thiers, a maintenu l’intégrité de la Belgique, aurait voulu prouver à l’Europe que la Belgique ne l’intéresse pas ! Voilà sans doute pourquoi il combat depuis six mois pour elle dans la conférence, et comment il est parvenu à faire modifier à son avantage toutes les conditions financières du traité des vingt-quatre articles ! En ce qui est d’Ancône, M. Thiers dit que l’engagement qui a été pris envers nous n’a pas été exécuté. Cet engagement consistait à faire évacuer les Marches par les Autrichiens, et déjà avant l’embarquement de nos troupes, il ne restait pas un Autrichien dans les Marches. En Belgique, dit M. Thiers, il y avait un traité, mais personne ne l’avait exécuté. On avait modifié les dix-huit articles signés précédemment, M. Thiers demande pourquoi on n’a pas modifié les vingt-quatre articles. Est-ce un jeu de l’imagination de M. Thiers, que la reproduction de pareils argumens ? M. Thiers, qui a été ministre des affaires étrangères, peut-il sérieusement avoir oublié que le traité des dix-huit articles était un acte émané spontanément de la conférence de Londres, tandis que le traité des vingt-quatre articles qui règle les limites de la Belgique et de la Hollande a été fait à la demande réitérée de la Belgique, et que le plénipotentiaire belge à Londres l’a sollicité comme une faveur, en invoquant la