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Ce traité a été publié, chacun a pu le lire. Que dit-il ? Que les quatre puissances devront se secourir, et qu’une coopération pourra avoir lieu en Espagne, mais de l’accord unanime des quatre puissances, et après avoir réglé entre elles ce mode de coopération. Or la demande d’intervention, faite par l’Espagne à Paris et à Londres, n’a pas trouvé d’assentiment en Angleterre. Le cabinet anglais a refusé de s’entendre avec le gouvernement français, qui lui proposait d’occuper concurremment Saint-Sébastien et le fort du Passage, et ce refus a dû empêcher de passer outre. Il n’est donc pas vrai qu’il y ait eu doute, comme, le dit M. Thiers, sur aucun des trois traités. La convention d’Ancône était très nette ; elle a été exécutée. Le traité des 24 articles traçait les limites de la Belgique sans aucune équivoque ? Nous avons dû renoncer à changer par la force ces limites acceptées par la Belgique et garanties par nous. Le traité de la quadruple alliance exigeait l’unanimité des puissances contractantes pour la coopération. Nous avons dû renoncer à coopérer, puisque l’Angleterre refusait son assentiment. Où est le doute, où est l’incertitude, et comment échapper à des traités si formels ? Une dépêche de M. Thiers, lue à la tribune par M. Molé, prouve bien que M. Thiers enjoignait à notre ambassadeur de refuser l’évacuation d’Ancône, même après le départ des Autrichiens ; mais c’était substituer la force au droit, et nous ne voyons pas que ce soit là un moyen bien sûr de maintenir la paix, quoique M. Thiers déclare qu’il la croit plus compromise qu’assurée par la conduite de M. Molé !

Quant à nous, nous pensons que non-seulement nous aurions allumé la guerre par une conduite contraire, mais encore que nous l’aurions partout. Récapitulons un peu ce qu’a voulu M. Thiers depuis le 22 février 1836 :

L’intervention en Espagne, d’abord, au sujet de laquelle M. Thiers a quitté le ministère ;

Le maintien de nos troupes à Ancône, en dépit de la convention de Casimir Périer, et après l’évacuation des Autrichiens, selon les ordres donnés par M. Thiers dans sa fameuse dépêche ;

La rupture du traité des 24 articles que M. Thiers déclare non définitifs et faits pour être modifiés, tandis que la conférence s’est montrée d’un avis contraire.

Ainsi, vous vouliez à la fois intervenir en Espagne, garder Ancône, et vous opposer au traité des 24 articles. C’était la guerre, en Espagne d’abord, puis en Italie avec l’Autriche et les princes de la Haute-Italie, et la guerre en Belgique contre l’Autriche, la Russie, la Prusse, la confédération germanique que vous voulez dépouiller, et enfin avec l’Angleterre. Comptons maintenant les forces qui vous seraient nécessaires.


En Italie, l’Autriche a 120,000 hommes à faire marcher en peu de jours, et le seul roi de Sardaigne a une armée de 100,000 hommes. Cent cinquante mille hommes ne seraient donc pas de trop 
150,000
L’intervention en Espagne, au dire d’un prince espagnol, serait l’affaire de dix ans et de cent mille hommes 
100,000