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REVUE. — CHRONIQUE.

de l’avantage. Le mal, c’est que, malgré les négociations du roi de Hollande avec la diète germanique et les agnats de la maison de Nassau, la Belgique oubliait insensiblement le caractère provisoire des avantages dont elle jouissait, intégrité territoriale, non-paiement de la dette, absence de tout péage sur l’Escaut. Fallait-il donc un prodigieux effort de sagacité politique pour prévoir, en 1833, que, par ce statu quo si commode, on préparait à l’avenir de graves embarras ? Nullement, et tenez pour certain que les hommes d’état qui adoptaient cette combinaison apercevaient bien l’inconvénient dans le lointain ; mais, au milieu des difficultés de l’intérieur et des périls de la question d’Orient, qu’ils ont ajournée aussi et non résolue, ils se disaient tout bas qu’à chaque jour suffit sa peine et couraient au plus pressé. Cependant je ne puis m’empêcher de regretter qu’on n’ait pas fait alors autre chose. Il me semble qu’on aurait dû séquestrer les territoires dont il s’agissait, confier l’un à la garde de la Prusse, remettre l’autre à la garde de la France, et, dans cette position qui ne compromettait rien, attendre que le roi Guillaume prît son parti de la séparation et du traité des 24 articles. C’est peut-être de la théorie que je vous fais là, moi qui ne l’aime guère. Mais les orateurs de l’opposition, M. Mauguin, par exemple, qui en a fait de si belles à propos du Caucase et de l’Afghanistan, daigneront me le pardonner.

On a parlé des bonnes fortunes du 15 avril. Je ne veux pas examiner s’il n’y a pas aussi du bien joué dans son bonheur ; je veux seulement faire observer que ces bonnes fortunes ne sont pas sans compensation, et que tous les hasards ne lui ont pas été favorables. Il a dû acquittter des billets à vue portant la signature de la France, et qu’on aurait bien pu nous présenter deux ans plus tôt ou deux ans plus tard. Ce n’est pas au ministère du 15 avril que le roi des Pays-Bas, vaincu par le temps et le mécontentement de ses peuples, a notifié sa tardive adhésion aux 24 articles : c’est à la conférence de Londres, où se trouve représenté non tel ou tel ministère, mais la France. Quel que fût le cabinet auquel les vicissitudes du régime parlementaire eussent fait échoir la direction des affaires, le roi Guillaume aurait tenu le même langage, rappelé les mêmes engagemens, invoqué les mêmes principes, et je suis sûr que le résultat eût été le même. Toute administration sensée aurait fait honneur, comme le 15 avril, aux obligations contractées par la France, à la parole donnée, à la signature du roi. Les ministres qui ont respecté les traités de la restauration auraient à bien plus forte raison exécuté ceux de la révolution de juillet ; ils auraient maintenu l’œuvre du gouvernement de 1830 et la leur ; ils n’auraient pas mis à néant le traité du 15 novembre 1831 ; ils en auraient courageusement bravé l’impopularité, comme ils ont bravé celle du traité des vingt-cinq millions. Mais voici en quoi ils ont été plus heureux que le ministère du 15 avril : ils ont eu la bonne fortune d’être obligés de prendre Anvers, en exécution des engagemens de 1831. Le ministère du 15 avril a le malheur d’être obligé de dire aux Belges, en exécution des mêmes engagemens, que le moment est