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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

posait le christianisme à l’empire romain ; dans les dernières années du Ve siècle, le chef des Francs, Clovis, embrassait la foi nouvelle ; à la fin du VIIe, l’évêque de Rome, célèbre sous le nom de Grégoire-le-Grand, commençait à fonder l’autorité morale de la papauté. Ces trois faits sont les véritables fondemens du sacerdoce et de l’empire au moyen-âge ; mais que d’années et de conditions furent nécessaires entre ces premiers principes et le complet développement de leurs conséquences ! Sans doute il était naturel que le christianisme, idée générale qui primait par son universalité l’esprit polythéiste, enfantât dans l’ordre religieux et dans l’ordre politique un pouvoir général ; mais ce mouvement nécessaire ne venait pas moins se heurter contre des obstacles multiples et puissans. Sur les ruines du monde antique tout était dispersé, languissant, immobile. La vie était dans les ames des chrétiens nouveaux, mais non plus dans les formes sociales : les mœurs et les institutions des vainqueurs et des vaincus mettaient à côté l’une de l’autre leur corruption et leur barbarie ; accouplement stérile, si des mouvemens extérieurs ne venaient faire pénétrer le ferment de la vie. Les cités étaient administrées par leurs défenseurs[1]. Les évêques gaulois et francs gouvernaient leurs troupeaux ; les tribus et cohortes des vainqueurs gardaient leurs coutumes et leurs mœurs ; mais il n’y avait là ni pensée, ni pouvoir général. Comment interviendra parmi ces éléments l’animation supérieure qui doit les transformer et les unir ?

La France et l’Allemagne ne sont arrivées qu’à travers le sang et la douleur à la vie moderne. Elles eurent d’abord à subir les duretés de la domination romaine. Paul Orose compare la Gaule épuisée et domptée par César à un malade pâle et décharné que défigure une fièvre brûlante, et l’éloquence de Tacite a sauvé de l’oubli les combats rendus par le patriotisme germanique. Quand les Romains eux-mêmes furent tombés, les Germains se divisèrent entre eux sur le sol de leurs conquêtes. Le territoire des vaincus se partagea en Austrasie, Neustrie, Bourgogne et Aquitaine ; les Francs habitaient les deux premières parties et ils appelaient Romains les peuples des deux autres. L’Austrasie avait Metz pour capitale, et la Neustrie Soissons. En Neustrie, les petits propriétaires, arimani, hommes libres, étaient puissans et composaient la majorité des assemblées nationales ; en Austrasie régnait une aristocratie militaire assez forte pour braver l’autorité royale, et cette lutte entre les leudes et les rois

  1. Voyez Savigny, Histoire du Droit romain au moyen-âge, tom. I.