Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/603

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
599
LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

sonne ne devait conserver une église avec de l’argent ; que personne ne devait se permettre d’acheter ou de vendre les droits d’une église ; car, disait-on, l’Écriture sainte, les décrets du concile et les sentences des pères condamnent les vendeurs et les acheteurs de dignités ecclésiastiques, et jusqu’aux entremetteurs de ce commerce ; 3o que toute fonction de l’autel était interdite aux clercs incontinens, qu’aucun prêtre ne se permît d’épouser une femme, et que s’il en avait une, il la renvoyât sous peine de déposition ; que personne ne fût élevé au sacerdoce sans avoir promis solennellement de garder une continence perpétuelle ; 4o que le peuple n’assistât pas aux offices d’un clerc qui aurait désobéi aux décrets apostoliques. Ainsi la réforme de l’église était ouvertement annoncée, et du sein de son synode, Grégoire dévoilait sa pensée aux yeux de l’Europe. Les décrets à la fois réformateurs et révolutionnaires furent répandus partout et rencontrèrent en Allemagne une violente opposition. Les clercs concubinaires étaient nombreux au-delà du Rhin ; ils accusèrent le pape de vouloir contraindre les hommes à vivre comme des anges, et de les précipiter dans la débauche à force de leur imposer la sainteté. Pour combattre avec avantage ces résistances, Grégoire chercha par tous les moyens à se concilier Henri IV ; il lui écrivit deux longues lettres où il le félicitait de la bonne intention qu’il avait manifestée, suivant les rapports des légats, d’extirper la simonie et le concubinage des clercs, où il le confirmait dans ces excellens desseins ; il l’y entretenait aussi des affaires générales de l’Europe, il lui exposait la triste situation des chrétiens d’Orient, et l’opportunité d’une croisade, d’autant plus nécessaire que l’église de Constantinople demandait à se réunir au saint-siége. Grégoire ne négligea pas non plus de s’adresser à d’autres princes, à Rodolphe de Souabe, à Berthold de Carinthie. Il désirait, par une habile douceur, prévenir la résistance, mais il était déterminé à combattre tout ce qui lui ferait obstacle. Il excommunia Robert Guiscard, qui n’avait pas voulu lui prêter le même serment de fidélité que les autres princes de l’Italie ; il menaça de ses foudres Philippe Ier, qui, disait-il, avait pillé des églises et extorqué de grosses sommes d’argent à des marchands italiens venus en France. Il fut plus doux envers Guillaume-le-Conquérant, dont il estimait les talens politiques, et dont il redoutait un peu l’altière indépendance. Il intervint dans les troubles de la Hongrie, et rappela au roi Salomon que son royaume était une propriété de la sainte église romaine, depuis que le roi Étienne s’était soumis à saint Pierre. Comment ne pas admirer cet homme qui ne craint