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L’ABBESSE DE CASTRO.

fut placée dans le monastère de Sainte-Marthe. Quatre religieuses étaient inculpées : mesdames Victoire et Bernarde, la sœur chargée du tour et la portière, qui avait entendu les paroles outrageantes adressées à l’évêque par l’abbesse.

L’évêque fut interrogé par l’auditeur de la chambre, l’un des premiers personnages de l’ordre judiciaire. On remit de nouveau à la torture le pauvre César del Bene, qui non-seulement n’avoua rien, mais dit des choses qui faisaient de la peine au ministère public, ce qui lui valut une nouvelle séance de torture. Ce supplice préliminaire fut également infligé à mesdames Victoire et Bernarde. L’évêque niait tout avec sottise, mais avec une belle opiniâtreté ; il rendait compte dans le plus grand détail de tout ce qu’il avait fait dans les trois soirées évidemment passées auprès de l’abbesse.

Enfin, l’on confronta l’abbesse avec l’évêque ; et, quoiqu’elle dît constamment la vérité, on la soumit à la torture. Comme elle répétait ce qu’elle avait toujours dit depuis son premier aveu, l’évêque, fidèle à son rôle, lui adressa des injures.

Après plusieurs autres mesures raisonnables au fond, mais entachées de cet esprit de cruauté qui, après les règnes de Charles-Quint et de Philippe II, prévalait trop souvent dans les tribunaux d’Italie, l’évêque fut condamné à subir une prison perpétuelle au château Saint-Ange ; l’abbesse fut condamnée à être détenue toute la vie dans le couvent de Sainte-Marthe, où elle se trouvait. Mais déjà la signora de Campireali avait entrepris, pour sauver sa fille, de faire creuser un passage souterrain. Ce passage partait de l’un des égouts laissés par la magnificence de l’ancienne Rome, et devait aboutir au caveau profond où l’on plaçait les dépouilles mortelles des religieuses de Sainte-Marthe. Ce passage, large de deux pieds à peu près, avait des parois de planches pour soutenir les terres à droite et à gauche, et on lui donnait pour voûte, à mesure que l’on avançait, deux planches placées comme les jambages d’un A majuscule.

On pratiquait ce souterrain à trente pieds de profondeur à peu près. Le point important était de le diriger dans le sens convenable ; à chaque instant, des puits et des fondemens d’anciens édifices obligeaient les ouvriers à se détourner. Une autre grande difficulté, c’étaient les déblais dont on ne savait que faire ; il paraît qu’on les semait pendant la nuit dans toutes les rues de Rome. On était étonné de cette quantité de terre qui tombait pour ainsi dire du ciel.

Quelques grosses sommes que la signora de Campireali dépensât pour essayer de sauver sa fille, son passage souterrain eût sans doute