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REVUE. — CHRONIQUE.

liberté individuelle ont expulsé de l’assemblée des électeurs de l’arrondissement qui s’opposaient à l’audition de MM. Laffitte et Arago, qui n’en font pas partie. Il est vrai qu’il s’agissait d’appuyer M. Carnot, qui déclare trouver dans le ministère actuel l’imbécillité du ministère Polignac, qui demande la réforme électorale et l’abolition des lois de septembre. Cette fois, M. Arago a pu dire qu’il n’agissait pas comme membre de la coalition, et en effet il ne venait pas appuyer une opinion plus modérée que la sienne. M. Carnot veut tout ce que veut M. Arago ; aussi, au lieu de laisser son protégé répondre à ceux qui l’interrogeaient sur Ancône et sur la Belgique, M. Arago a préféré raconter aux électeurs quelques historiettes touchant Latour-d’Auvergne, Carnot père, et d’autres héros de la révolution et de l’empire. Ceci nous rappelle que M. Arago, professant un jour l’astronomie devant des dames et voyant qu’on ne l’écoutait pas, se mit à leur enseigner l’art de faire des confitures. M. Arago est universel ; il n’y a que l’art de faire un député qu’il n’entend pas très bien.

— Toutes les lettres des départemens s’accordent à présenter les élections comme généralement favorables aux 221 et au système qu’ils ont appuyé. Dans beaucoup de localités, les 213 ne sont parvenus à retrouver les suffrages des électeurs qu’en reniant la coalition, comme ont fait M. Legentil, M. Garnon, M. Cochin et M. Arago, et en essuyant avec soumission les reproches les plus sévères. Malheureusement, les électeurs s’abusent, s’ils croient à la conversion des députés qui ont fait partie de la coalition, et qui souvent, après en avoir été les meneurs les plus actifs, comme M. Vitet et d’autres, vont faire amende honorable dans les départemens. Toutefois, leurs manifestations ne seront pas aussi publiques qu’elles l’ont été, et ils seront forcés de se réfugier dans le mystère du scrutin secret. Le mieux serait de n’envoyer à la chambre que des hommes qui n’ont pas à revenir sur leurs pas pour se conformer aux vœux des électeurs. Un député qui s’allie secrètement à des opinions et à des principes contraires aux siens, ne sera jamais un député loyal ; la franchise des électeurs qui les nommeront, sera bien mal représentée par de tels mandataires.

— Dans la réunion des électeurs du 2e arrondissement, M. Laffitte a comparé son ministère au ministère actuel, et tout naturellement l’avantage a été pour le ministère de M. Laffitte. Comparons un peu. M. Laffitte, en prenant le ministère au 2 novembre, augmenta en peu de jours, par sa faiblesse, l’irritation des partis, et la porta au point où la trouva M. Périer, quand il vint au 13 mars sauver la France. Au milieu du désordre matériel, M. Laffitte imagina de bouleverser l’impôt par une loi fiscale qui ne put être mise à exécution, et en attendant, il appauvrit le revenu public de 30 millions par une loi sur les boissons qui ne profita à personne. Il laissa se former l’association nationale et d’autres comités qui érigèrent l’anarchie en principe. Abandonnant la politique énergique de M. Molé, qui avait opposé aux puissances étrangères le principe de non-intervention, il laissa envahir l’Italie, sans oser s’opposer même par une note aux troupes autrichiennes. Par une simple ordonnance,