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sur le chiffre. Quant aux fonctionnaires à destituer, c’était la plus simple de toutes les satisfactions ; si je ne me trompe, nous l’avions déjà obtenue du Mexique une fois, pour un fait qui s’était passé à la Vera-Cruz, et en 1834 le gouvernement de la Nouvelle-Grenade nous l’avait accordée pour une insulte grave au consul de France, M. Adolphe Barrot, frère de l’honorable député, qui doit savoir à quoi s’en tenir sur les républiques et les républicains de l’Amérique méridionale. Enfin, pour la sécurité des établissemens français au Mexique, il suffisait de s’en référer, soit aux déclarations, non annulées, de 1827, soit à la convention provisoire du 4 juillet 1834, passée entre M. Lombardo, ministre de Santa-Anna, et M. le baron Deffaudis. Si la France avait eu affaire, je ne dis pas à un gouvernement éclairé, mais à un gouvernement raisonnable et supérieur de quelque peu à ceux des régences barbaresques, le Mexique, n’étant soutenu par personne, ni en Amérique, ni en Europe, aurait cédé ; le blocus eût été efficace. Il a fallu trouver en ce pays une administration aveugle, frappée de démence, et disposée à se repaître des plus étranges illusions, pour que la France fût obligée de déclarer la guerre, et de démolir, en quatre heures de canonnade, la première citadelle du Nouveau-Monde. Ajouterai-je que le blocus, qui devait suffire, rendait le rapprochement plus facile, était infiniment moins dispendieux que la guerre, et, considération capitale, n’entraînait pas cette déplorable expulsion des Français du Mexique, qui nous impose maintenant l’obligation d’être beaucoup plus exigeans ?

Mais voilà que la prise et la ruine de Saint-Jean d’Ulloa n’ont pas encore suffi ; que le désarmement de Vera-Cruz, qui reste sous le feu de nos batteries, comme Anvers était à la merci des canons hollandais, que la défaite de l’armée mexicaine et la capture d’un général n’exercent pas encore une influence décisive sur l’obstination insensée des Mexicains ! Pourquoi n’a-t-on pas envoyé des troupes de débarquement ? Écoutez l’admirable réponse que l’amiral Baudin a faite, sans s’en douter, aux esprits chagrins de la coalition, dans une lettre digne de lui et de la France, adressée au général Urrea, chef du parti fédéraliste à Tampico :

« Aucun sentiment d’ambition, ni aucune idée contraire à l’indépendance du Mexique, n’ont conduit le gouvernement français à envoyer l’expédition que j’ai l’honneur de commander. Si la France eût eu le moins du monde l’intention d’attaquer l’indépendance du Mexique ou l’intégrité de son territoire, elle ne se serait pas bornée à l’envoi d’une force navale ; mais elle aurait fait accompagner cette force de troupes de débarquement. »

Peu importe ; je ne serais pas étonné de voir le journal de M. Duvergier de Hauranne, à côté d’une lourde diatribe sur la conservation d’Alger, faire un crime à M. Molé de n’avoir pas entrepris la conquête du Mexique. Cela ressemblerait fort à l’opposition de M. Guizot sur la question belge, qui, pour le dire en passant, n’a pas eu le moindre succès en Belgique. À la raison politique donnée par l’amiral Baudin, j’en ajouterai une autre sur l’absence