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La volonté de l’empereur est le droit ; ce qui lui plaît a force de loi ; — tua voluntas jus esto ; sicuti dicitur : quidquid principi placuit legis habet vigorem. Ainsi l’empereur, avec le secours du droit romain, était déclaré l’égal des anciens empereurs de Rome ; on ressuscitait la dictature des Césars pour battre en ruines la théocratie de Grégoire VII ; contre le prêtre s’élevait le jurisconsulte, s’appuyant, comme lui, de l’autorité des textes, de la majesté des traditions ; mais, dans sa bouche et sous sa plume, les textes et les traditions n’étaient plus invoqués pour l’église, mais contre elle, mais en faveur de l’empire et de la royauté. Dans le siècle suivant, les jurisconsultes français continuèrent avec puissance l’œuvre commencée par les Italiens, et les foudres de l’église romaine viendront souvent mourir au seuil de la grand’chambre du parlement de Paris.

Les Milanais ne pouvaient se résoudre à la soumission envers l’empereur, et provoquèrent une nouvelle lutte où ils succombèrent dans la troisième année. Leur ville fut rasée, et Frédéric, à Pavie le jour de Pâques, se couronna lui-même encore une fois. Cette guerre si vive était, pour la liberté de l’Italie en face de l’Allemagne, un puissant aiguillon, et un pape comprit, avec un instinct vraiment politique, le nouveau rôle qu’elle lui offrait. Alexandre III, dont le pontificat, le plus long du XIIe siècle, dura vingt-deux ans, et pendant lequel quatre anti-papes se succédèrent, sut imprimer une direction systématique à la résistance désespérée des Lombards. Après avoir excommunié Frédéric en s’autorisant des anathèmes de Grégoire VII contre Henri IV, il forma une vaste ligue de Rome, de Venise et des villes lombardes, et une guerre générale recommença avec plus d’acharnement. Frédéric entra un instant dans Rome, mais la contagion se mit dans son armée ; il voulut entamer quelques négociations qui furent repoussées par le pape, et il fut obligé de repasser les monts pour tenter d’armer l’Allemagne contre l’Italie. Mais l’Allemagne fatiguée se refusait à de nouveaux efforts, et Frédéric fut condamné à une inaction de cinq ans, que mirent à profit les villes lombardes pour relever leurs affaires, leurs murailles et leurs finances. Enfin, en 1174, Frédéric put rentrer en Italie à la tête d’une formidable armée ; il brûla Suze, mais il fut obligé de s’arrêter quatre mois devant Alexandrie, ville nouvelle bâtie par les Lombards, qui l’avaient baptisée par reconnaissance du nom même du pape Alexandre III ; l’empereur ne put la prendre. Alors quelques négociations furent nouées de part et d’autre, mais sans résultat. Une nouvelle armée vint renforcer les troupes allemandes, et à quinze milles de