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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/169

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LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

quand je l’aurai tué, ton cerveau fonctionnera à mon gré. Voyons, tourmentons un peu ce cœur qui se mêle d’être sympathique, et, au lieu de le rajeunir, enterrons-le sous les glaces d’une vieillesse prématurée. Il faudrait commencer par dégrader Hélène, ou l’abrutir en la mariant à un butor ; mais les niais trouveraient encore moyen de poétiser ses vertus domestiques. Le mieux, c’est de l’avilir en la prostituant à tous ces apprentis philosophes qui encombrent la maison du matin au soir. En la voyant souillée, ce beau penseur prendra en horreur la jeunesse, la beauté, l’ignorance. Tout ce qui tranchera du romanesque lui semblera criminel ; il deviendra franchement cuistre, c’est là que je l’attends… Allons un peu trouver la fille. J’ai là quelques bons reptiles immondes que je promènerai sur son front pendant qu’elle sommeille… Mais il est un obstacle entre elle et moi, et il faut le détruire. Je comptais m’en servir pour perdre le philosophe par l’enthousiasme. Si je procède par les contraires, je dois anéantir le talisman qui allumerait ici les flammes du cœur. Holà ! lutins et fées ! à moi, mes braves serviteurs crochus ! Prenez la lyre, et mettez-la en pièces avec vos griffes, réduisez-la en cendres avec votre haleine… Eh vite !…

chœur d’esprits infernaux.

Eh vite ! eh vite ! brisons la lyre ! Un esprit rebelle aux arrêts de l’enfer habite son sein mystérieux. Un charme le retient enchaîné. Brisons sa prison, afin qu’il retourne à son maître, et qu’il ne puisse plus converser avec les hommes. Eh vite ! eh vite ! brisons la lyre !

Esprit qui fus jadis notre frère et qui te flattes maintenant d’être réhabilité par l’expiation et replacé au rang des puissances célestes, tu vas sortir d’ici. Que ton maître te reprenne et te châtie ! Tu ne te purgeras pas de ta faute en travaillant au salut des hommes. Eh vite ! eh vite ! brisons la lyre !

la voix de la lyre.

Arrière, cris de l’enfer ! Vous ne pouvez rien sur moi. Une main pure doit me délivrer. Maudit ! c’est en vain que tu excites contre moi tes légions à la voix rauque. Une seule note céleste couvre tous les rugissemens de l’enfer. Arrière et silence !

méphistophélès.

Que vois-je ? mes légions épouvantées prennent la fuite ! et cette puissance enchaînée est plus forte que moi dans ma liberté !

chœur d’esprits infernaux.

Dieu te permet d’exciter au mal, mais tu ne peux l’accomplir toi-même. Tu ne peux remuer une paille dans l’univers ; tu verses ton