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REVUE DES DEUX MONDES.

point là des signes cabalistiques. Ils tombent sous le sens le plus vulgaire et sont soumis à une logique invariable.

hanz.

Ce sont les élémens simples et connus dont la combinaison devient un mystère, une magie, si vous voulez. La langue de l’infini !

albertus.

Mais le langage de cette lyre est, dites-vous, un fait exceptionnel, unique, complètement en dehors de la science des musiciens : je n’en sais rien, je n’y crois pas ; n’importe ! j’accepte l’hypothèse, et je dis que la musique n’est qu’une récréation, ce qu’on appelle avec raison un art d’agrément.

hanz.

Le prétendu magicien qui a créé ce talisman se serait donc servi des sons, comme d’autres magiciens se sont servis de mots arabes ou des signes astronomiques, tout cela dans le même but, qui est de marquer, par des formules quelconques, les mystérieuses évolutions de la science des nombres, science qui, selon eux, présiderait aux lois de l’univers sous l’action providentielle d’une force intelligente ?… Maître, vous croiriez à la magie plutôt qu’à la musique.

albertus.

Hélas ! j’ai creusé laborieusement cette mine obscure et profonde qu’on appelle la cabale, espérant y trouver quelques vérités cachées sous un fatras de mensonges et d’aberrations… Je n’ai rien trouvé que l’imposture et l’ignorance des temps grossiers, élémens fatals de l’humanité qui, à chaque instant, posent des bornes au progrès de l’esprit… Aujourd’hui même, n’essaie-t-on pas de faire revivre la sorcellerie, la puissance des charmes et l’empire des charlatans, sous le nom de magnétisme ? C’est la magie des temps modernes. Et pourtant, l’esprit du sage s’arrête devant des faits d’un ordre nouveau et qui détruisent tout l’ordre des lois connues. Que doit-il conclure en présence de prodiges auxquels ses sens ne peuvent refuser de se soumettre ? En théorie, il doit à la postérité de ne rien rejeter comme impossible. En fait, il doit à lui-même de se méfier du témoignage de ses sens jusqu’à ce que sa raison se soit mise d’accord avec l’expérience.

hanz.

Mon Dieu ! mon Dieu ! serait-il possible que l’homme eût végété jusqu’ici sur cette terre infortunée, sans oser lever le voile épais qui le tient abruti, tandis qu’il ne faudrait à tous que ce qui a été dé-