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Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/219

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LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

posteur ! Au moment où il croit posséder la vérité, au moment où il monte en chaire pour la proclamer, ses yeux se troublent, les ténèbres descendent autour de lui, des lueurs confuses s’agitent dans un lointain obscur, et sa bouche prononce des mots qui n’ont plus de sens pour son esprit. Tout n’est qu’orgueil et mensonge dans la vaine science de l’homme. Il ne sera peut-être pardonné là-haut qu’à celui qui aura su douter et se taire ! (Prenant la lyre.) Pourtant il n’y a pas d’effet sans cause ; ceci n’est point une vielle organisée, un accordéon, comme je le laisse croire. Je l’ai démontée pièce à pièce ; j’en ai examiné attentivement toutes les parties, et les sons magnifiques que cet instrument produit ne sont dus qu’aux proportions savantes et au rapport parfait de ses parties diverses. J’en fais vibrer les cordes sonores, et sans doute ma main ne les profane pas, car leur vibration ne porte pas le trouble dans mon être ; mais il me serait impossible d’en tirer d’autre harmonie que les simples accords qu’une faible notion de la musique me permet de former. Mes doigts les cherchent et les trouvent, mon oreille les écoute et les juge ; mais jamais ma pensée ne pourrait éveiller un son sur ces cordes, et pourtant la pensée d’Hélène les émeut et en fait distiller des chants sublimes, sans le secours de l’art, sans l’aide du toucher… L’effet est bien constaté, je dois en chercher la cause. Négliger de la trouver serait le fait d’une lâche paresse ou d’un orgueil imbécille… D’où vient pourtant que je tremble en abordant ce sujet ? Il y a là, devant moi, comme un fleuve de feu, d’où s’élèvent des tourbillons de fumée… Il me semble que, comme les astrologues du moyen-âge, je vais quitter l’air pur des cieux et la lumière du soleil pour les ténèbres de l’enfer et les prestiges de Satan… Je saurai pourtant vaincre ces frivoles terreurs… Il n’y a désormais pour l’imagination de l’homme ni Tartare, ni démons ; il y a le doute… il y a le néant… Soutiens-moi, espérance divine, fruit de mes longs travaux et de ma pénible austérité !


Scène IV.


ALBERTUS, MÉPHISTOPHÉLÈS, sous la figure du juif.
méphistophélès, à part.

Dans cette disposition-là, tu me plais fort ; je vais enfoncer quelques aiguillons de curiosité dans ta cervelle paresseuse. (Haut.) Je m’incline jusqu’à terre devant votre Stoïcisme.