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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

éclats de ses déclamations phrénologiques attirèrent encore la foule, ce fut seulement par la curiosité qui s’attachait toujours à sa parole originale ; mais il ne descendait plus de sa chaire aucun enseignement : on allait au spectacle, on n’allait pas à l’école.

Et pourtant, au premier bruit de sa mort, le monde médical a senti que quelque chose de grand venait de disparaître de son sein ; et, à ses funérailles, ce long cortége des étudians et des médecins de la capitale, cette représentation imposante de tous les ordres auxquels il appartenait à tant de titres, ces discours que l’on se disputait l’honneur de prononcer sur sa tombe, tout cela témoignait que la France venait de perdre un savant illustre. Cet homme, à qui l’on ne songeait plus, dont les dernières années s’étaient écoulées tristement dans les souffrances d’un horrible mal et dans les efforts d’un travail stérile, cet homme s’était relevé soudain de toute la force et de toute la puissance de sa vie passée. Tout ce qu’il avait fait ou n’avait pas fait depuis 1830 s’était effacé de notre souvenir, et nos regards s’étaient aussitôt portés vers les époques bruyantes de sa vie médicale, depuis 1805 jusqu’à 1829.

Qu’est-ce donc que cette vie ? Quel est le secret de cette renommée ? Quels enseignemens y a-t-il à en tirer pour ceux qui sont engagés dans la même carrière et pour le public ? Quelle qu’ait été son influence sur l’humanité contemporaine, quel bien laissera-t-elle, et laissera-t-elle quelque bien à l’humanité future ? Tout incompétent qu’il est en matière scientifique, le monde, ce nous semble, aime à voir poser et résoudre devant lui, de pareilles questions : tel est le motif qui nous a engagé à offrir ce travail aux lecteurs de la Revue. De toutes les sciences, d’ailleurs, la médecine est celle qui présente le plus haut intérêt social ; et Descartes a dit vrai en proclamant que toutes les réformes sociales de l’avenir se feront par elle, ou du moins qu’aucune ne se fera sans elle.

Pour bien apprécier la révolution opérée dans le monde médical par M. Broussais, nous avons besoin de reprendre la question d’un peu plus haut ; nous sommes obligé de rappeler des principes trop généralement méconnus aujourd’hui.

La médecine n’est pas une science qui soit née hier ou qui doive naître demain ; ce n’est pas une science qui marche au hasard, ou qui soit livrée au caprice d’un homme, quel que soit cet homme. Elle date du jour où l’homme souffrant a été placé au sein de la nature, avec la faculté de connaître ce qui se passe en lui et hors de lui. — Il y a, disait Hippocrate avec le bon sens de l’antiquité, des choses utiles, et,